Dès le second hémistiche du premier vers, l'interlocutrice du poète le caractérise par la périphrase cette tristesse étrange, soulignant alors son étonnement et son incrédulité face à ce mal qui ronge le poète. Le pronom démonstratif crée un effet de distance entre elle et ce mal mystérieux. De plus, à la douceur de l'allitération en [v] et des sonorités en [ou] du début du vers (D'où vous vient, disiez-vous) s'oppose la dureté des dentales [t] et [r] (cette tristesse étrange) qui suggère un mal douloureux (...)
[...] Le titre Semper eadem, avec sa traduction Toujours de même se trouve alors justifié : quelle qu'en soit la définition, ce mal est toujours le même. Un mal moral et physique - Dès le premier quatrain, le poète montre le spleen comme un mal métaphysique, lié à la conscience du temps et de la mort : . ainsi, le troisième vers est une longue proposition subordonnée temporelle (Quand notre coeur a fait une fois sa vendange) dont le passé composé marque une action achevée, accomplie, qui ne se retrouvera plus. [...]
[...] T E X T E D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange, Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? - Quand notre coeur a fait une fois sa vendange, Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu Une douleur très-simple et non mystérieuse, Et, comme votre joie, éclatante pour tous. Cessez donc de chercher, ô belle curieuse ! Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous ! Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie ! 10 Bouche au rire enfantin ! [...]
[...] l'évocation du rire (Bouche au rire enfantin vers mise en valeur par une formulation exclamative, se retrouve de façon plus discrète dans la rime riche mysté-rieuse / cu- rieuse (vers 5 / 7). Cette innocence de l'enfant l'oppose ainsi au terme secret (vers qui définissait le poète . son âme est toujours ravie (vers terme qui rime avec Vie (vers suggérant une synonymie entre les deux. D‘une manière plus générale, elle est décrite par un champ lexical du bonheur très prononcé : joie, éclatante, rire et ravie. [...]
[...] La colère du poète est même renforcée par les nombreux points d'exclamation (vers 7 à 14). Cette relation ambiguë est perceptible dans le deuxième hémistiche du vers 7 (ô belle curieuse) avec l'apostrophe à la fois hommage et hymne à la beauté de la femme en même temps que remise en cause de sa curiosité. Cependant, malgré l'apparence d'une forme dialoguée, ce sonnet est davantage un monologue si l'on tient compte de la disproportion des répliques. La question de la femme, que la typographie des guillemets signale rapportée, se différencie de la parole du poète, introduite par un tiret (vers et résume l'incompréhension de chacun : Baudelaire souffre de l'état permanent que suppose la question et que marque bien l'allitération en du premier hémistiche de la question : D'où vous vient, disiez-vous. [...]
[...] L'amour s'établit alors sur des hauteurs divines, inaccessibles au spleen, la femme devenant l'ange gardien, la muse et la madone Malheureusement et malgré ces qualités, la critique qu'en fait le poète marque son échec. De fait, cette mystique de l'amour cédera à Baudelaire en août 1857 et chutera du piédestal sur lequel il l'avait élevée. En effet, peu après il écrira : Il y a quelques jours, tu étais une divinité, ce qui est si commode, ce qui est si beau, si inviolable. Te voilà femme maintenant . [...]
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