Dès le premier quatrain, le contraste est saisissant entre le mutisme de ces femmes pourtant blessées ("stoïques et sans plaintes", vers 1 ; "Mères au coeur saignant", vers 3) et le tumulte de la vie urbaine souligné par :
- l'imprécision du lieu.
- la cacophonie et le flou ("À travers le chaos des vivantes cités", vers 2). On ne peut s'empêcher alors de relever la similitude avec le vers inaugural d'un autre poème de cette même section (...)
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Les Petites Vieilles, IV (XCI). ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Publié en 1859 dans la Revue contemporaine sous le titre Fantômes parisiens, ce poème était alors accompagné de son homologue masculin Les Sept Vieillards, et tous deux étaient dédiés à Victor Hugo. Deux années plus tard, Les Petites Vieilles furent intégrées à la deuxième édition des Fleurs du Mal, rejoignant, à la sixième place, la nouvelle section qui y apparaît alors, Tableaux parisiens. La poésie traditionnelle fait volontiers état de la beauté et de l'épanouissement physique des hommes et des femmes, le lecteur étant plus à même de s'apitoyer sur leurs malheurs ou de s'identifier à eux. [...]
[...] Ce sont ces aspects des Petites Vieilles que le poète seul est capable de voir (je vis vos jours perdus, vers 18). Du reste, l'expression vos passions novices indique tout aussi clairement qu'il sait se rappeler leur jeunesse. III- La position du poète Une allégorie du poète Ce regard quelque peu attendri du poète et sa compréhension à leur égard suggèrent que lui aussi est exclu et maudit. Il est incompris par des êtres qui le méprisent, somme toute exilé dans un monde incompatible : - comme ces petites vieilles, il est chétif et fragile. [...]
[...] Ainsi, tous les poncifs du roman noir sont présents : le thème de l'inceste (si j'étais votre père, vers de la vieillesse et de la mort (Ruines ! . ô cerveaux congénères, vers 21 ; un solennel adieu, vers 22 ; Èves octogénaires, vers du voyeurisme et de la prostitution (courtisanes, vers 3 ; des plaisirs clandestins, vers 16) et de la mise en accusation de Dieu (la griffe effroyable de Dieu, vers 24). Ainsi, le symbolisme puissant de ce poème n'exclut pas la reprise des images les plus classiques du romantisme. [...]
[...] Allusion vraisemblable au déclin de l'aristocratie et à son remplacement par la bourgeoisie, Baudelaire estime faire partie de la même race que ces vieilles femmes, dont il ne subsiste que des Ruines ! (vers 21). La sensibilité du poète Dès le début du quatrième quatrain, c'est avec fierté que Baudelaire se place en qualité de spectateur omniscient. Cette place privilégiée est soulignée par la reprise de nombreuses anaphores et occurrences de la première personne du singulier : moi, moi (vers j'étais (vers Je goûte (vers Je vois (vers je vis (vers Mon (vers 19 et 20) Contrairement aux autres, le poète est sensible dans son cœur (vers 19) et dans son âme (vers 20). [...]
[...] Honteuses d'exister, ombres ratatinées Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, étranges destinées ! Débris d'humanité pour l'éternité mûrs ! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'œil inquiet, fixé sur vos pas incertains Tout comme si j'étais votre père, ô merveille ! Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins : Je vois s'épanouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon cœur multiplié jouit de tous vos vices ! [...]
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