Il n'est pas étonnant que la nature, source de vie, offre l'un des thèmes esthétiques les plus riches. Les Anciens adoraient en elle la force magique des éléments, et la plupart des peintres et poètes y découvrent l'âme des choses, en déchiffrant des signes comme des savants inspirés. Ainsi, une harmonie affective s'établit entre la nature et le poète qui projette en elle ses fantasmes (...)
[...] C'est alors que la couleur parle, comme une voix profonde et vibrante, que les monuments se dressent et font saillie sur l'espace profond ; que les animaux et les plantes, représentants du laid et du mal, articulent leur grimace non équivoque, que le parfum provoque la pensée et le souvenir correspondants ; que la passion murmure ou rugit son langage éternellement semblable La lecture d'Obsession impose alors deux correspondances majeures. Le thème du poète maudit La nature se trouve ici être un miroir effrayant dans la mesure où l'image même qui s'y réfléchit est phobogène. [...]
[...] D'emblée l'attention du lecteur est attirée sur une évocation lugubre, suggérée par le verbe phobogène effrayer L'adjectif Grands souhaite rendre compte d'une couleur humide et d'une atmosphère sourde, fermée et sombre. - les sons qui en émanent semblent déchirer l'âme comme l'oreille. Le verbe hurlez (vers conforté par un hiatus, une allitération en (Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales ; / Vous hurlez comme l'orgue ; et dans nos cœurs maudits) et le prolongement de la rime féminine, évoque quelque chose de bestial comme le hurlement d'une bête fauve. [...]
[...] Dans ce poème, il suggère alors l'œil de la conscience qui harcèle Caïn, le premier meurtrier de la tradition judéo-chrétienne. L'œil serait alors l'horreur de l'obsession de soi, élargie jusqu'à l'idée de mort universelle. - Le début du poème suggère l'annoncement d'une symphonie funèbre. Baudelaire ne retient pas les chants de joie (nuptiaux par exemple) mais les lamentos de la cathédrale (De profundis, vers c'est-à- dire le début du psaume 130 de la Bible, récité lors de la prière des morts) qui correspondent à son chant intérieur. [...]
[...] De fait, la nature que présente Obsession n'est pas celle du Lac de Lamartine (évoquée de manière valorisante, le poète se rend compte que seule la nature peut conserver la trace des amours vécus), mais celle renfermant une force mauvaise qui semble étouffer toute forme de vie à sa source. C'est donc grâce à des images obsessionnelles que l'auteur va nous en témoigner l'aspect lugubre et la puissance destructrice, apparaissant nihiliste lorsqu'il finit par les unir dans le noir de la nuit. [...]
[...] - marqué par la fatalité, implicitement en proie à la solitude (l'homme vaincu, vers et explicitement à l'humiliation (d'insultes, vers rappelant alors un poème emblématique de ce recueil, L'Albatros. Du reste, cette défaite du poète est soulignée par l'enjambement des vers 7. - la correspondance entre la chute du poète (le sel des sanglots, vers et le sel de l'ironie marine est suggérée par la reprise en écho des sons : les retrouve en lui (vers 6). - dans son obsession, le poète projette même ses hallucinations dans les ténèbres (jaillissent de mon œil par milliers, vers 13). [...]
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