La totalité de ce poème est parcourue par ce thème avec :
- une privation douloureuse
La répétition de la négation "ne plus" (vers 3, 7, 9 et 14) structure le poème et rend compte d'une douloureuse spoliation temporelle. Ainsi, les deux premiers quatrains sont construits sur l'opposition cruelle entre autrefois (premier quatrain) et aujourd'hui (deuxième quatrain), entre l'imparfait ("L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur", vers 2) et le présent ("L'amour n'a plus de goût", vers 7).
- la disparition de toutes les raisons de vivre
Elle repose sur l'opposition entre ce qu'il faisait avant ("vieux maraudeur", vers 6) et le présent. Dans le premier quatrain, c'est "L'Espoir" (vers 2) qui a disparu et dans le deuxième, "L'amour et la dispute" (vers 7), anéantissant ainsi toutes les raisons de vivre du poète.
- la responsabilité du Temps
Dès le premier vers du troisième quatrain ("Et le Temps m'engloutit minute par minute", vers 11), c'est le temps qui va être rendu responsable de ce dessaisissement. En ce sens, ce vers rappelle celui de "L'Ennemi" (X) : "Le Temps mange la vie" (vers 12). Cette culpabilité est soulignée par la reprise anaphorique de la formule restrictive "ne... plus" que confirment les participes passés "vaincu, fourbu" (vers 6) et "perdu" (vers 10) qui lui font écho par une assonance en [u], sonorité aigüe qui exprime le malaise et le désespoir du poète, et une allitération en [p].
b- Une gradation dramatique
Tout au long du poème, la dégradation liée au temps ne fait que s'accroître :
- dans le premier quatrain
Un "Vieux cheval" (vers 4) n'a plus d'espoir comme cavalier et n'aspire plus qu'à l'inconscience. On a une impression de piétinement : "dont le pied à chaque obstacle butte" (vers 4).
- dans le deuxième quatrain
La gradation est claire, reposant sur la progression de la structure en chiasme : "Morne esprit" (vers 1) / "Esprit vaincu" (vers 6) mais aussi le redoublement d'un adjectif de deux syllabes : "vaincu, fourbu" (vers 6).
- enfin, dans le troisième quatrain
La poursuite de la gradation mène à l'agonie et au désir d'en finir (échec / capitulation / agonie). Le temps a remplacé le printemps, dont il a aboli les promesses (...)
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Le Goût du néant (LXXX) ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour outrage à la morale religieuse ainsi qu'à la morale publique et aux bonnes mœurs Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). [...]
[...] Pour toi, vieux maraudeur, L'amour n'a plus de goût, non plus que la dispute ; Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte ! Plaisirs, ne tentez plus un cœur sombre et boudeur ! 10 Le Printemps adorable a perdu son odeur ! Et le Temps m'engloutit minute par minute, Comme la neige immense un corps pris de roideur ; Je contemple d'en haut le globe en sa rondeur Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute ? [...]
[...] L'inspiration du poète, reposant sur la répétition du terme esprit (vers 1 et est ainsi anéantie. On assiste à un appauvrissement de la création : chants du cuivre (vers représentant vraisemblablement le mode majeur de la dispute et soupirs de la flûte (vers étant plus mélancolique. C'est alors la prédominance de la fadeur, de l'insensibilité et de l'indifférence. Le déclin de la création poétique est comme Le Printemps adorable [qui] a perdu son odeur ! (vers 10) et donne lieu à toute une série d'images qui rendent sensible son désespoir. [...]
[...] En ce sens, ce vers rappelle celui de L'Ennemi : Le Temps mange la vie (vers 12). Cette culpabilité est soulignée par la reprise anaphorique de la formule restrictive ne plus que confirment les participes passés vaincu, fourbu (vers et perdu (vers 10) qui lui font écho par une assonance en sonorité aigüe qui exprime le malaise et le désespoir du poète, et une allitération en Une gradation dramatique Tout au long du poème, la dégradation liée au temps ne fait que s'accroître : - dans le premier quatrain Un Vieux cheval (vers n'a plus d'espoir comme cavalier et n'aspire plus qu'à l'inconscience. [...]
[...] Le maraudeur (vers L'image du maraudeur, métaphore de la nostalgie du poète, est liée à la précédente par le même adjectif : vieux. La valeur symbolique attachée à ce voleur de fruits et de récoltes désigne le poète, amené à dérober des plaisirs interdits et qui, en même temps, regarde comme un étranger celui qu'il était, incapable d'être celui qui goûtait aux plaisirs de la vie. De plus, la formule Adieu donc (vers placée en tête de vers, marque une surprise, un regret de devoir lui-même faire ce constat. [...]
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