L'eau qui coule, et d'une manière générale les liquides (ici le sang, dont la déplétion délétère représente la souffrance du poète mais aussi un danger pour lui), élément transitoire, fait partie de cette hantise de Baudelaire de ce qui change et passe.
Les deux quatrains sont révélateurs de la tendance expansive du lyrisme. En effet, dans le premier, les marques de la première personne du singulier, qu'elles soient sujet ("Je", vers 3 et 4) ou complément ("me", vers 1 et 4 ; "mon", vers 1), témoignent du lyrisme tandis qu'elles sont absentes du second, indiquant alors que le lyrisme dépasse le poète et "inonde" le monde (...)
[...] Baudelaire va alors faire de la déplétion sanguine suggérée dès le titre une allégorie du lyrisme : - dès l'ouverture du poème, la métaphore filée du lyrisme et de la création poétique est mise en pratique par l'hyperbole mon sang coule à flots (vers 1). La dualité de cette expression est manifeste : si le sang qui coule renvoie à la mort, l'ajout de la précision à flots souligne au contraire une vie débordante. On retrouve bien là la complexité du spleen baudelairien évoquant une souffrance délétère et créatrice, telle qu'elle apparaît du reste dans la totalité des Fleurs du Mal. [...]
[...] On relève ainsi l'anaphore des deux débuts : J'ai demandé souvent à des vins capiteux (vers et J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux (vers 12) où les deux verbes dénotent les tentatives du poète afin de conjurer sa peur. Chaque tercet raconte ainsi l'impossible échappatoire, les sonorités y sont d'abord douces, suggérant une tentative d'apaisement, avant de devenir dures et aigües, matérialisant l'échec. On relève nettement le champ lexical du sommeil et de l'oubli : D'endormir (vers un sommeil oublieux (vers 12) et un matelas (vers indiquant que le poète est alors en quête de répit. [...]
[...] Mais la limitation apportée dans le même vers par l'expression comme dans un champ clos et la sensation de double mouvement final (élargissement / limitation) témoignent qu'il s'agit bien sûr d'une vision de l'imaginaire - Cette contamination du monde va alors être mise en évidence par le premier tétramètre du poème : Il s'en va, transformant les pavés en îlots, reflétant une solennité contemplative. Le poète est ainsi spectateur de son imaginaire presque malgré lui. De plus, l'apposition transformant les pavés en îlots résume à elle seule la démarche transfiguratrice du poète (spleen, lyrisme monde) : le verbe y connote la création poétique, les termes pavés et îlots respectivement le réel et l'imaginaire, tandis que les îlots font également référence à l'exotisme baudelairien. [...]
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal, La Fontaine de sang, LXXXIV. ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour outrage à la morale religieuse ainsi qu'à la morale publique et aux bonnes mœurs Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). [...]
[...] Le titre définitif, trouvaille qui est attribuée au critique littéraire Hippolyte Babou (1824- 1878), repose sur l'oxymore que Charles Baudelaire a tenu à entretenir durant toute sa vie littéraire. En effet, il considère la nature comme laide, par définition et la beauté comme artificielle. La Fontaine de sang est le septième poème de la quatrième section, Fleurs du Mal, de l'édition initiale de 1857, qui complète, avec Tableaux parisiens et Le vin, le triptyque des tentatives de réponse au spleen évoqué dans la forme d'exposition du recueil que constitue la première section, Spleen et idéal. [...]
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