Les Fleurs du mal est un recueil de poèmes qui révèle les projets poétiques de Baudelaire : le titre fondé sur un oxymore associe les Fleurs, métaphore de la beauté, au mal, autrement dit Baudelaire associe l'idéal poétique au mal. La préposition « du » révèle l'origine des fleurs c'est-à-dire le mal. Baudelaire pense ainsi qu'il existe une beauté propre au mal et que la poésie permet de transformer le mal en œuvre d'art. Cela explique pourquoi Baudelaire s'intéresse à des thèmes provocateurs, encore inabordés comme la mort, l'alcool, la prostitution, la drogue. Une citation de l'auteur, qui s'intéresse à Paris, capitale du vice, est d'ailleurs révélatrice de son projet : « Tu m'as donné ta boue, j'en ai fait de l'or ». Baudelaire transforme le vice en un idéal esthétique. Ses œuvres ont donc été censurées pour outrage à la morale publique.
Dom Juan est un personnage révolté, anticonformiste, donc il inspire Baudelaire. L'auteur trouve en ce personnage hors norme une source d'inspiration féconde. Baudelaire va donc transposer le genre théâtral en genre poétique et s'approprier ainsi le Dom Juan de Molière. Son poème se présente comme une réécriture du Dom Juan de Molière, puisqu'il reprend les personnages de l'auteur du XVII° siècle. « Dom Juan aux enfers » apparaît comme une suite à la pièce de Molière, il présente le déroulement de la mort de Dom Juan et c'est en cela que son poème est original. Ce poème est fondé sur une description, qui prime sur la narration.
La question centrale sera donc la suivante : où est-ce que réside l'originalité du poème s'il s'inspire étroitement de la pièce de Molière ?
[...] Enfin Baudelaire crée des images violentes dans son poème. L'image des femmes dans la deuxième strophe est inquiétante : elle évoque l'agitation, le mouvement, les consonnes nasales expriment la plainte, le nombre de syllabes dans mugissement renforce la lenteur de la plainte. L'allitération en r présente tout au long du poème fait écho aux enfers Dans le vers : Derrière lui traînait// un long mugissement la césure déplacée par Baudelaire ralentit la fin du vers et accentue l'effet de plainte. [...]
[...] La solitude et l'exclusion de Dom Juan Le héros est isolé, à l'écart des autres personnages. L'expression calme héros montre que Baudelaire a un jugement bienveillant de Dom Juan. Dom Juan, indifférent, replié sur lui-même, courbé tourné vers le passé, regardait le sillage Dom Juan ne réagit pas aux autres personnages : ne daignait voir Il reste stoïque, impassible et même figé dans le mépris. La conjonction de coordination mais »souligne la mise à l'écart de Dom Juan. Baudelaire choisit de clore son poème sur l'indifférence et la solitude du héros. [...]
[...] Baudelaire le transforme en érotisme cru. Il présente les femmes comme des victimes consentantes, qui cherchent les faveurs de Dom Juan comme le prouve le chiasme : Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes : les participes présents, »montrant et ouvertes qui délimitent le vers, soulignent l'impudeur des femmes, celles-ci s'offrent à Dom Juan. L'oxymore victimes offertes conforte l'idée de victimes consentantes et rappelle la tirade de Dom Juan où se sont les femmes qui réclament son amour. En outre, les femmes sont comparées à un troupeau comparaison péjorative qui ravale les femmes au rang d'animal. [...]
[...] Le titre Dom Juan aux enfers peut également se coller à la fin de la pièce. Le titre du poème annonce le cadre dans lequel s'inscrit la suite : aux enfers : le pluriel désigne la mythologie grecque. Il y a donc une transposition du contexte : ce n'est pas l'enfer chrétien mais l'enfer grec. Tous les morts sans distinction vont aux enfers qui se constituent des Champs Elysées pour les bons et du Tartare pour les autres. Charon, évoqué dans le poème, est d'ailleurs le passeur des âmes des morts à travers le Styx. [...]
[...] Puis Baudelaire évoque la Statue à la fin du poème. La Statue poursuit son rôle car elle conduit la barque qui mène Dom Juan aux enfers (dans la pièce de Molière c'est elle qui entraînait Dom Juan dans les abymes de l'enfer). Elle est sujet dans les deux premiers vers, c'est elle qui conduit la barque, alors que Dom Juan subit l'action et ne déroge pas à son rôle. La périphrase un grand homme de pierre fait écho au sous titre de la pièce de Molière (le festin de pierre) et désigne bien évidemment la Statue. [...]
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