Le poème L'Etranger se distingue de deux manières : par sa qualité d'interrogatoire et par sa structure, deux caractères plutôt inhabituels en poésie. Mais déjà Baudelaire, en employant la prose, ne cherchait pas à se conformer aux canons de l'époque.
La structure particulière du poème - ce dialogue composé de répliques courtes, d'interrogations répétées, le tout segmenté par des tirets - accroche l'oeil du lecteur, appelle son attention. On observe aussi une forte opposition entre les questions et les réponses : les premières tutoient et sont plutôt courtes (...)
[...] Pour cette raison, il est juste de dire que cette introduction au Spleen de Paris, L'Etranger invite le lecteur à faire travailler les mots en continuant la lecture du recueil, mais surtout en procédant à l'herméneutique minutieuse des poèmes pour produire un sens valable. Baudelaire, dans une œuvre très moderne, ne nous demande pas de chercher l'individu dans le poème, cet être de chair, matériel, mais plutôt la poésie elle-même. Ce qui fonde Le Spleen de Paris comme une œuvre magistrale, c'est bien cette capacité à s'ouvrir à tout un chacun, à répondre chaque jour à de nouvelles questions; bref, à être inépuisable, comme peuvent l'être les nuages : là où l'un discerne un éléphant, l'autre voit une maison. [...]
[...] La structure symétrique, rythmée par les ni qui répondent aux adjectifs possessifs de la question, insiste sur cette solitude, jusqu'à la revendication. Car il est conscient que ce sont les liens affectifs qui lient et délient une famille, non pas le sang. Cependant, le dialogue progresse, lorsqu'il en vient à renier ses amis: comme dit l'adage, on ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses amis. L'étranger emprunte un ton emphatique, qui s'illustre dans une tournure de phrase compliquée le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu marquant un peu plus son détachement devant une réalité si intime. [...]
[...] Plus généralement, Baudelaire est très conscient du fossé qui le sépare de la beauté qu'il voit comme un idéal, impossible à atteindre, image que l'on retrouve dans La Beauté un poème des Fleurs du Mal, l'autre œuvre majeure de Baudelaire. L'étranger donne ensuite à l'or une dimension mythique, en le mettant sur le même plan que Dieu, symétrie renforcée par la répétition du verbe haïr Cette comparaison met en exergue deux choses: elle dénonce une société asservie par l'argent, et sous-entend le déchirement d'un être qui hait l'argent tout en ayant besoin de lui. [...]
[...] Baudelaire, Le Spleen de Paris, L'Etranger La structure d'un interrogatoire A. Le désir d'une distance B. Percer le mystère 2. Un être poétique à contre-courant A. Le refus du lien social B. La rêverie en lutte contre le matériel Précédé de la dédicace à Arsène Houssaye, le directeur et éditeur des revues La Presse et L'Artiste, L'Étranger est le premier poème du Spleen de Paris, de Baudelaire. Ce recueil en prose propose une structure originale: elle n'est pas le fait de l'auteur, mais de l'arrangement des textes pour l'édition posthume, en 1869. [...]
[...] L'homme énigmatique refuse la familiarité, s'attache à maintenir une distance, à rester étranger D'ailleurs, les questions se font de plus en plus lapidaires, frappantes. Le questionneur lui ordonne de répondre, sous la forme d'une fausse question dis? et on peut même sentir l'irritation de ne pouvoir décrocher une seule réponse valable, dans ses exclamations : Eh! . donc Pourtant, tout dans ce poème travaille à masquer l'identité de L'Étranger à commencer par le début du texte, qui le présente comme un homme énigmatique renvoyant à l'extraordinaire étranger de la fin, et formant un chiasme dont l'effet est percutant: le poème nous invite à dévoiler ce mystère où le questionneur échoue, peut-être en cessant nos questions pour chercher les indices que l'auteur a semé dans le texte . [...]
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