La majorité des caractéristiques de cette chevelure suggère fortement la jeune actrice : "Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !" (vers 1), "Ô boucles" (vers 2), "cette chevelure" (vers 4), "Fortes tresses" (vers 13)... De plus, de multiples périphrases de cet attribut confortent l'origine îlienne de la jeune femme, comme notamment "mer d'ébène" (vers 14), "forêt aromatique" (vers 8) ou "ce noir océan" (vers 22) (...)
[...] Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse ! 25 Infinis bercements du loisir embaumé ! Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Voue me rendez l'azur du ciel immense et rond ; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m'enivre ardemment des senteurs confondues 30 De l'huile de coco, du musc et du goudron. Longtemps ! Toujours ! Ma main dans ta crinière lourde Sèmera le rubis, la perle et le saphir, Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde ! [...]
[...] T E X T E Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure ! Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure Des souvenirs dormants dans cette chevelure Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir ! La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d'autres esprits voguent sur la musique Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum. [...]
[...] II- L'invitation au voyage La contemplation de la chevelure est donc une invitation au voyage, à un lieu privilégié dont on se doute qu'il est censé apporter quelque réconfort à un poète peut-être en prise au Spleen. Le mythe de la Toison d'or Dès les premiers mots du poème, la chevelure est métamorphosée en toison, introduisant implicitement le thème du voyage. En effet, le terme renvoie à la mythologie grecque et à la Toison d'or de Chrysomallos, bélier ailé sur lequel Phrixos et Hellé s'enfuirent pour échapper à leur belle-mère, Ino. [...]
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal, La Chevelure (XXIII). ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour outrage à la morale religieuse ainsi qu'à la morale publique et aux bonnes mœurs Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). [...]
[...] Conclusion Baudelaire signe là un poème d'une grande modernité, en tentant d'atteindre la spiritualité à partir de la femme. Celle-ci, en suscitant l'ivresse du poète, réveille en lui d'autres sensations. L'amour se révèle alors le catalyseur d'une mémoire jusqu'alors endormie. Sillonant le monde à la recherche de sons, de couleurs ou de parfums dans lesquels son imagination saura percevoir un sens caché, le poète va alors accomplir le véritable voyage : le voyage poétique, témoin du pouvoir quasi divin de son imagination. [...]
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