Marie Noël, "Les Chants de la Merci", "Bataille" : commentaire

Résumé du document

"L'homme est un apprenti, la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert", écrivait Alfred de Musset au 19e siècle. Ces vers illustrent parfaitement la destinée du poète Marie Noël, de son vrai nom Marie Rouget, née en 1883 à Auxerre et décédée en 1967. Sa vie fut en effet marquée par des épreuves qui orientèrent son écriture. A la fin de 1904, Marie a 21 ans, le jeune homme qu'elle espère épouser s'éloigne définitivement.
Puis, le 27 décembre 1904, elle trouve le lendemain de Noël (d'où son pseudonyme) son petit frère de 12 ans mort dans son lit, alors que rien ne laissait prévoir sa mort. Enfin, elle traversera deux profondes crises religieuses, ses "saisons en enfer", l'une en 1913, et l'autre en 1920. "Génie nocturne" selon l'un de ses biographes, elle tient une place à part dans la poésie de son siècle (...)

Extraits

[...] La douleur est donc personnifiée sous les traits de l'ennemi. Au vers 1,elle est associée de manière implicite à un oiseau de proie la douleur a fondu sur ma chair »,ainsi qu'au vers 2 d'un coup d'aile ».Elle est aussi au vers 4 comparée à un voleur comme un voleur ».Les nombreux verbes d'action exprimés au passé composé rappellent les assauts d'un ennemi : la douleur a fondu a passé m'a jeté elle a tordu la douleur n'est ruée elle m'a pris elle a tenté La personnification de cette douleur comme un ennemi apparait aussi un vers 12 aux poings En outre, la souffrance morale est donc exprimée à travers l'idée d'une défaite contre un ennemi qui fait souffrir violemment la victime. [...]

[...] Et au vers 31 et 32 Ton sang, j'en ferai boire à tout le genre humain/Je le lui servirai jusqu'à-ce qu'il soit ivre La dislocation ton sang évoque le sang de l'ennemi vaincu. Poursuivant son allégorie guerrière, le poète évoque une fête universelle, une jubilation dans la victoire. Mais le sang que l'on boit, fait aussi penser à l'Eucharistie, à une dimension christique du poète qui donne son sang et sa poésie au monde entier, en abondance, comme un don, un sacrifice. [...]

[...] La strophe du milieu du poème marque une inversion du rapport de force grâce à l'antithèse du vers 17 Et me voilà gisant, mais je ne suis pas mort ».L'image guerrière de la trêve ainsi que les trois anaphores de défi Prends garde à toi, douleur »,renforcés par le passage du passé composé au présent, puis au futur(« déjà je me relève demain je serai plus fort »),annoncent une contre-attaque très déterminée. Ensuite, nous avons une inversion de situation. La conquête de la douleur est remplacée par sa mise en esclavage. Les pronoms personnels sujets je et les pronoms personnels objets te expriment la soumission de la douleur. [...]

[...] Sa vie fut en effet marquée par des épreuves qui orientèrent son écriture. A la fin de 1904, Marie a 21 ans, le jeune homme qu'elle espère épouser s'éloigne définitivement. Puis, le 27 décembre 1904, elle trouve le lendemain de Noël (d'où son pseudonyme) son petit frère de 12 ans mort dans son lit, alors que rien ne laissait prévoir sa mort. Enfin, elle traversera deux profondes crises religieuses, ses saisons en enfer l'une en 1913, et l'autre en 1920. [...]

[...] L'auteur exprime dans Chant de la Merci : A ceux dont l'ombre a tant de murs sur elle Qu'ils n'ont jamais pu donner de nouvelle De leur nuit noire aux gens qui sont dehors ; Ceux pleins d'appel dont nulle voix me sort, Dont le secret cherche un mot qui l'emporte ; Ceux dont le cœur bat sans trouver de porte, A tous ceux-là-je ne sais pas combien Je viens Elle se fait donc l'interlocutrice et le porte-parole des désespérés, de ceux qui sont brisés par la souffrance morale. Sa poésie a une dimension profondément altruiste. La chute résume le poème. Je te commanderai, tu seras ma servante Et quand je te crierai chante ! tu chanteras Le rythme binaire avec le respect de la césure de cet alexandrin très classique exprime une claire répartition des rôles, et la domination définitive de la souffrance. Enfin, le »cri de la souffrance est remplacé par le chant harmonieux de la poésie. [...]