Barthes constate le manque d'une sociologie de la parole. Or la parole est un pouvoir,
détenu en France du XVIe au XIXe exclusivement par les écrivains. Ce monopole produisait un ordre rigide de la production qui structure la manière du discours littéraire (règles d'emploi, de genres, de composition). « C'est la langue qui a bougé, ce n'est pas le discours. » En France, l'institution littéraire transcendait en effet les fonctions littéraires :
« Institutionnellement, la littérature de la France, c'est son langage, système mi-linguistique, mi-esthétique, auquel n'a même pas manqué une dimension mythique, celle de sa clarté. » (...)
[...] L'écrivant dispose d'une écriture commune à tous les écrivants : il n'exerce aucune action technique essentielle sur la parole. Si on peut distinguer dans cette écriture (koïnè) des dialectes (ex : marxiste, chrétien), on trouve très peu de styles. Ce qui définit l'écrivant, c'est que son projet est naïf : il n'admet pas que son message se retourne et se ferme sur lui-même, et qu'on puisse y lire, d'une façon diacritique, autre chose que ce qu'il veut dire La parole met fin à l'ambiguïté du monde et institue une explication irréversible, même provisoire, ou une information incontestable. [...]
[...] Mais si l'écrivain conçoit la littérature comme fin, le monde la lui renvoie comme moyen Il retrouve le monde dans cette déception infinie, puisque la littérature le représente toujours comme une question, jamais comme une réponse. Parole : Et même quand j'affirme, j'interroge encore. (J. RIGAUT) La parole n'est ni un instrument, ni un véhicule : c'est une structure [ . ] ; mais l'écrivain est le seul, par définition, à perdre sa propre structure et celle du monde dans la . [...]
[...] Nouvelles différences entre écrivain / écrivant. Production : pour l'écrivant, elle est manifestation immédiate et, au moins pour ses motifs, plus individuelle que pour l'écrivain. La fonction de l'écrivant, c'est de dire en toute occasion et sans retard ce qu'il pense Fonction sociale de la parole : pour l'écrivain, il s'agit de transformer la pensée (ou la conscience, ou le cri) en marchandise. C'est-à-dire d'acclimater le hasard de la pensée à la société, combat vital pour elle. Le langage lui en donne le moyen. [...]
[...] BARTHES Essais Critiques Ecrivains et écrivants - 1960 INTRO. Qui parle ? Qui écrit ? Barthes constate le manque d'une sociologie de la parole. Or la parole est un pouvoir, détenu en France du XVIe au XIXe exclusivement par les écrivains. Ce monopole produisait un ordre rigide de la production1 qui structure la manière du discours littéraire (règles d'emploi, de genres, de composition). C'est la langue qui a bougé, ce n'est pas le discours. En France, l'institution littéraire transcendait en effet les fonctions littéraires : Institutionnellement, la littérature de la France, c'est son langage, système mi-linguistique, mi-esthétique, auquel n'a même pas manqué une dimension mythique, celle de sa clarté. [...]
[...] La société récupère l'écrivain, elle le consomme. Il n'y a aucun écrivain qui ne soit un jour digéré par les institutions littéraires, sauf à se saborder, c'est-à-dire sauf à cesser de confondre son être avec celui de la parole°: c'est pourquoi si peu d'écrivains renoncent à écrire, car c'est à la lettre se tuer, mourir à l'être qu'ils ont choisi ; et s'il s'en trouve, leur silence résonne comme une conversion inexplicable (Rimbaud).3 Cf. Préface de la Comédie Humaine. Ce sont toutefois les données modernes du problème : Racine cessant d'écrire pour devenir fonctionnaire royal n'a surpris aucun de ses contemporains BARTHES - Essais Critiques . [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture