Tandis que la plupart des tentatives de Balthazar Claës pour découvrir l'Absolu se sont avérées vaines, Lemulquinier persiste à le soutenir et à voir en lui un grand scientifique. Les ressources de la famille Claës ont alors été dilapidées dans l'achat de substances scientifiques destinées à la quête sans fin de Balthazar qui, en savant démiurge, continuait sans relâche à affirmer sa progression sur le chemin de la recherche de l'Absolu. Or, après de nombreuses tentatives infructueuses, celui-ci se rend en ville avec son valet et, tout-à-coup, subit les railleries des passants et des enfants.
Lecture.
Après avoir exposé l'ambition effrénée et la détermination sans faille de Balthazar tout au long du roman, le narrateur dépeint ici l'image d'un géant déchu dont la gloire n'était que de papier. Il n'est plus le scientifique suscitant l'admiration, mais le vieillard sur lequel les enfants se pressent pour le couvrir de boue : non seulement le narrateur dévoile le ridicule du personnage, mais y intègre une dimension pathétique là où Balthazar suscite tout autant le ridicule que la pitié, le tout à travers une véritable théâtralisation. Ne réagissant pas physiquement aux attaques des enfants, le scientifique n'en passe pas moins par une profonde prise de conscience intérieure : le lien qui le tenait à l'ambition scientifique se relâche, celui-ci prend compte de son propre ridicule, de sa propre situation. Reprenant les mots de Balzac, il s'agit d'un véritable spectacle, d'une véritable scène où le pathétique de Balthazar est mis à nu aux yeux du scientifique lui-même, de ses proches et du lecteur.
Pourquoi peut-on dire que la chute de Balthazar est théâtralisée et se couvre tout autant d'un ridicule que d'un pathétique suscitant la pitié envers un scientifique déchu ? Pourquoi l'éclair de lucidité sur sa situation participe d'une prise de conscience qui lui confère une certaine grandeur, et nuance donc sa déchéance ? Comment cette déchéance est-elle théâtralisée par le narrateur (...)
[...] Analyse de texte, La Recherche de l'Absolu Balzac, p. 302-304 : Les enfants, se sentant soutenus, lancèrent leurs projectiles qui atteignirent les deux vieillards, au moment où le comte de Solis se montrait au bout de la place, accompagné des domestiques de Pierquin. Ils n'arrivèrent pas assez vite pour empêcher les enfants de couvrir de boue le grand vieillard et son valet de chambre. Le coup était porté. Balthazar, dont les facultés avaient été jusqu'alors conservées par la chasteté naturelle aux savants chez qui la préoccupation d'une découverte anéantit les passions, devina, par un phénomène d'intussusception le secret de cette scène ; son corps décrépit ne soutint pas la réaction affreuse qu'il éprouva dans la haute région de ses sentiments, il tomba frappé d'une attaque de paralysie entre les bras de Lemulquinier qui le ramena chez lui sur un brancard, entouré par ses deux gendres et par leurs gens. [...]
[...] La chute humiliante de Balthazar est également la chute de son mode de raisonnement rationnel : désormais, il devine. Or, c'est précisément l'intuition qui lui permet de découvrir le secret de la scène, c'est-à-dire sa propre déchéance : un niveau symbolique très fort se dégage là où Balthazar retrouve enfin un bon sens commun (celui des enfants) qui lui fait prendre conscience du ridicule de sa vie et de sa situation. L'abandon de la rationalité lui confère une lucidité sur lui-même. [...]
[...] Après avoir exposé l'ambition effrénée et la détermination sans faille de Balthazar tout au long du roman, le narrateur dépeint ici l'image d'un géant déchu dont la gloire n'était que de papier. Il n'est plus le scientifique suscitant l'admiration, mais le vieillard sur lequel les enfants se pressent pour le couvrir de boue : non seulement le narrateur dévoile le ridicule du personnage, mais y intègre une dimension pathétique là où Balthazar suscite tout autant le ridicule que la pitié, le tout à travers une véritable théâtralisation. [...]
[...] Il s'agit du contraste entre enfants et vieillards : contraste de lexique, déjà, là où vieillard est péjoratif et où enfant n'est lui pas un terme axiologique. Or, des connotations certaines se dessinent : tandis que les enfants soulignent la vigueur, l'espérance, le futur, les vieillards deviennent le paradigme du passé, de la chute et non d'un progrès pour l'avenir, chose que recherchait pourtant Balthazar. Ce contraste se confirme dans les faits que le narrateur relate : tandis que les vieillards, archétypes d'un monde en train de prendre fin, sont passifs (ils reçoivent les projectiles), les enfants, eux, sont actifs et visent les deux hommes. [...]
[...] Pourquoi peut-on dire que la chute de Balthazar est théâtralisée et se couvre tout autant d'un ridicule que d'un pathétique suscitant la pitié envers un scientifique déchu ? Pourquoi l'éclair de lucidité sur sa situation participe d'une prise de conscience qui lui confère une certaine grandeur, et nuance donc sa déchéance ? Comment cette déchéance est-elle théâtralisée par le narrateur ? Développement. Les enfants, se sentant soutenus, lancèrent leurs projectiles qui atteignirent les deux vieillards : de fait, la construction syntaxique de la phrase souligne une dichotomie qui, dès le départ, accentue la chute de Balthazar. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture