Le grand public a retenu des poèmes Villon la Ballade des dames du temps jadis ou encore la Ballade des pendus. La Ballade de la Grosse Margot n'a pas eu le même succès. Peut-être en raison de son caractère choquant et grotesque. Cette ballade en décasyllabes et donc de forme carrée, met en scène le poète, ici proxénète, et sa protégée la grosse Margot, une prostituée, et évoque leur amour dans un bordel ; une vie heureuse, malgré le regard négatif d'un lecteur placé comme porte-parole des bienséances. Margot est décrite à la manière d'une Dame de poésie courtoise, mais dont le nom fait signe vers un comique bas, un comique grotesque nous dévoilant un corps grossier.
[...] C'est donc dans ce décalage que réside le comique, et le plaisir attaché à ce texte : plaisir de la souillure dans la tradition de genres populaires considérés comme mineur comme la farce, la poésie parodique, la caricature et autres genres qui reposent sur la mise en place d'un comique bas et grivois et qui, rappelons-le, ont leur place pendant le Carnaval. Au cours de ces cérémonies populaire, la parodie avait une place très importante ainsi que le théâtre de farce, on célébrait ainsi des messes paillardes. C'est donc dans cette tradition que Villon s'inscrit ici. [...]
[...] L'un des exemples de ce procédé de formation est l'utilisation du proverbe. Ici, le proverbe à bon chat bon rat détourné par le poète en à mau chat mau rat constitue le langage et la sagesse populaire en référence commune, matériau potentiel de création La Ballade de la Grosse Margot s'inscrit, en plus de son caractère parodique, comme le support de nouvelle perspective poétique exploitant de nouvelles formes comme le proverbe ou un registre trivial. Cependant, le poème arbore une certaine ambivalence propre à son auteur et à ses intentions. [...]
[...] Le monde dépeint n'est donc pas un monde amoral, mais un monde volontairement en dehors de toute morale, comme un état d'être "nostre estat" qui revendique le poète. En effet, l'envoi et plu particulièrement les deux derniers vers Ordure aimons, ordure nous affuyt/ Nous deffuyons honneur, il nous deffuyt affirment que le poète et sa maîtresse font le choix du péché. Ce choix renvoie d'une certaine manière à la figure du poète maudit, vivant un amour maudit car marginal. Ainsi, on peut remarquer qu'en acrostiche, comme une signature, on peut lire VILLON dans le dernier paragraphe. [...]
[...] Le poète se forge une image empruntée à un réel trivial et grotesque, il est à la fois l'amant, le proxénète, mais aussi le poète maudit et créateur, victime de la débauche "de paillarder tout elle me destruyt" trouvant une certaine complaisance dans cet état. Cet état est une véritable source d'inspiration plaçant la poésie non pas comme une représentation en dehors du monde, objet de la morale et d'un amour idéalisé, mais comme une représentation tirant sa source du réel, même le plus bas comme nous le démontre Villon. [...]
[...] La parodie laisse également place à l'affirmation d'une beauté, d'un amour marginal . Ces figures s'inscrivent également dans une marge sociale qui se traduit par une mise en marge spatiale symbolisée par le bordel, lieu de brassage social en dehors de tous codes sociaux définis. Le premier vers de l'envoi, Vente presle gèle, j'ai mon pain cuit constitue bel et bien le bordel en espace clos, et cet espace marginal devient espace de sécurité, de stabilité contre les agressions du monde extérieur. [...]
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