Bajazet, tragédie en cinq actes représentée pour la première fois en 1672, prend appui sur des événements contemporains qui se déroulèrent en Turquie à la cour du sultan Amurat. Si on a souvent reproché à cette pièce de ne pas avoir de véritables marques orientales, la fureur de la passion et la violence des crimes et suicides finaux renvoient cependant à un Orient fiévreux et emporté, d'autant plus que le sérail est pensé d'ordinaire comme le lieu privilégié de l'affrontement de l'amour et du pouvoir. L'avant-dernière scène de la pièce plus particulièrement, présente le récit d'un dénouement sanglant et décisif parce qu'il permet d'achever la tragédie à la scène suivante. Frappent également dans cette scène 11 de l'acte V la brièveté du dénouement, une précipitation d'actions d'autant plus saisissante qu'elle fait suite aux atermoiements irrationnels de personnages en proie aux passions et qui hésitent toujours à agir véritablement. En effet, la scène commence de façon abrupte lorsque Atalide surprend une discussion agitée entre Acomat et Osmin. Mais comment dans cette soudaineté, dans cette précipitation croissante des événements, se profile la clôture de la tragédie, comment les tergiversations des personnages de la tragédie, lesquelles avaient occupé une trentaine de scènes jusque là, sont anéanties en une seule scène ? Il semble en fait que ce soit le pouvoir d'Amurat qui agit, à distance certes, mais qui agit enfin après avoir laissé plané tout le long de la pièce son regard menaçant au travers des dialogues, mais un pouvoir qui reste encore délégué et finalement absent de la représentation. Egalement, la fin de la tragédie prouve la véritable noblesse des personnages à travers leurs morts (Roxane et Bajazet) ou à travers leur réaction face à la mort (Atalide). Enfin il apparaît que la tragédie se dirige brutalement vers sa fin par une confrontation contrastante entre personnages « non tragiques » et personnages tragiques, destinés à se révéler véritablement comme tels dans ce moment crucial.
[...] Le pouvoir reste donc en dehors Osmin Lui-même, d'aussi loin qu'il nous a vus paraître: . et maître de la sphère tragique en ne se montrant et en ne se manifestant qu'à distance et de manière fulgurante au sein de cette sphère que Barthes a bien voulu dénommée l'antichambre, le lieu de sujétion Non seulement le pouvoir conserve ses distances même dans ses châtiments, mais l'acte lui-même est présenté à distance, on ne voit pas la scène sanglante, mais elle est rapportée par les paroles du confident du Grand Vizir. [...]
[...] D'autre part, les termes de même nature donnent l'impression d'accumulation Amante Amant (vers 1680). Mais cette impression globale de précipitation permet aussi de mettre à distance la scène et tout ce qu'elle peut avoir d'anti-tragique à cause de l'épaisseur d'une réalité scandaleuse (Sur Racine Barthes), même si la tragédie est sur le point de se terminer. Les détails concrets donnés ne sont là que pour accentuer le caractère noble de la tragédie : le poignard fumant marque la bravoure et la noblesse d'âme de celui qui est poignardé, la main sanglante fait référence au fatum qui accomplit son œuvre inéluctable de sa propre main et par le sang, seul vecteur entre les personnages tragiques. [...]
[...] Le tableau que dessine Osmin à Acomat, révèle une action rapide, une précipitation des données tragiques qui balaie tout d'un seul coup. Et leur réaction mutuelle à ces nouveaux événements montre bien la différence entre personnages tragiques et non tragiques, et comment la tragédie se dissout lentement dès l'entrée du monde extérieur, du pouvoir, dans le monde étouffant du Sérail. L'intérêt de cette scène tient donc bien à sa fonction, celle d'achever la tragédie, et de tuer le dernier personnage tragique encore vivant, Atalide, et par là, les derniers feux du langage tragique. [...]
[...] Bajazet, de Racine: acte scène 11 A partir de la collection livre de poche dans la catégorie Théâtre de Poche Edition présentée et annotée par Georges Forestier. Bajazet, tragédie en cinq actes représentée pour la première fois en 1672, prend appui sur des événements contemporains qui se déroulèrent en Turquie à la cour du sultan Amurat. Si on a souvent reproché à cette pièce de ne pas avoir de véritables marques orientales, la fureur de la passion et la violence des crimes et suicides finaux renvoient cependant à un Orient fiévreux et emporté, d'autant plus que le sérail est pensé d'ordinaire comme le lieu privilégié de l'affrontement de l'amour et du pouvoir. [...]
[...] Et lorsqu'il revient, c'est pour consacrer la fin et la mort des personnages tragiques. Par contraste, les personnages comme Atalide sont voués à la mort, car ils n'existent pas pour eux d'au dehors. Ils sont nés du Père tout puissant selon Barthes, et restent définitivement enchaînés à sa loi. Même si, toujours selon Barthes, l'extérieur est souvent collé à l'antichambre (qui est l'espace tragique du langage exclusivement), les murs du palais plongeant dans la mer, les vaisseaux tout prêts à partir donnant au pied du mur, ils ne peuvent respirer l'air de l'extérieur. [...]
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