Le texte à étudier est un extrait de l'avant-propos du Roman Comique de Scarron. L'auteur prend ici la parole et se décrit physiquement au lecteur qui, l'auteur le dit lui-même, « ne [l']a jamais vu ». Le roman raconte la vie d'une troupe de comédies et constitue un ouvrage où le pur romanesque coexiste avec une forme de réalisme que l'on nomme burlesque. Cet extrait, issu donc de l'avant-propos, semble entièrement répondre à ce terme en ce qu'il constitue un appendice de l'œuvre dont la présence n'est pas indispensable, l'intérêt que l'on peut y trouver étant pour l'auteur, d'exhiber son œuvre autant que sa personne.
Trois axes d'études permettent de démontrer ce phénomène : en premier lieu, on peut constater une oralité du passage révélant la voix de l'auteur, on peut par ailleurs noter qu'il constitue un portrait réaliste et burlesque de ce dernier. Enfin, si l'on peut dire que ce passage a pour fonction d'exhiber l'œuvre de l'auteur, c'est qu'il en constitue le reflet syntaxique : la difformité étant un trait commun au texte et au physique du narrateur.
[...] - L'énumération de beaucoup de parties constitutives du Tout qu'est le narrateur : ses dents, sa taille, ses cheveux, ses yeux Son corps semble se prolonger comme le récit. Par ailleurs, il se prend lui-même comme objet de comparaison (ex. : j'ai les bras raccourcis aussi bien que les jambes, et les doigts aussi bien que les bras - Les marques d'une subjectivité envahissante, qui illustre le retour du narrateur sur lui-même et l'évaluation qu'il fait de son physique. Le lecteur assiste donc à une double présentation du narrateur. [...]
[...] Le narrateur impose sa présence et sa difformité burlesque, il ancre son livre dans un contexte réaliste commercial, et discrédite son avant-propos expliquant que celui-ci n'est fait que pour grossir le livre à des fins économiques. Il réduit alors la valeur de sa parole, ici purement instrumentale et presque inutile. L'avant-propos n'offre paradoxalement aucune indication sur le contenu de l'œuvre, si ce n'est qu'il situe d'entrée de jeu le lecteur dans un contexte réaliste, comique, burlesque et grotesque. Un appendice difforme L'avant-propos se présente comme un appendice de l'œuvre autant qu'un prolongement du narrateur. Il donne au livre un aspect difforme reflétant la difformité physique de son auteur. [...]
[...] *Les reprises pronominales qui prolongent les descriptions des parties du corps sélectionnées qui correspondent dans un premier temps au propos d'une première proposition puis au thème de la seconde : ex : J'ai la vue assez bonne, quoique les yeux gros ; je les ai bleus ; j'en ai un plus enfoncé que l'autre On constate ici une progression linéaire simple, où le narrateur dilate les éléments décris et crée un effet d'allongement de la description. La syntaxe du portrait réalisé est ainsi, par sa difformité, aussi grotesque que le physique du narrateur. *Par ailleurs, un aspect spéculaire entre en correspondance avec la dimension double de la description déjà évoquée : le narrateur se décrit lui-même physiquement et se présente également moralement à travers son discours. [...]
[...] Le narrateur utilise en outre le champ lexical de l'univers professionnel du livre réalisant un discours métatextuel et objectivant ainsi son œuvre en l'ancrant dans un contexte réaliste et commercial. Divers éléments illustrent ce phénomène : * L'adresse au lecteur, qui est notamment clairement interpelé au début de l'avant-propos, puis auquel le narrateur s'adresse au moyen du pronom personnel de la deuxième personne. Il se présente à lui et semble ainsi lier étroitement son œuvre à sa personne. *La mention du libraire et des intérêts économiques que le livre représente pour lui. [...]
[...] *L'objectivation de l'avant-propos et du livre. Le livre est en effet désigné comme objet réel visible et palpable par le lecteur, puisqu'il fait référence aux illustrations présentes dans certaines éditions. De même, l'avant-propos est désigné par un déterminant démonstratif cet qui peut être interprété ici soit comme un déictique, renvoyant concrètement le lecteur aux caractères d'imprimerie qu'il a sous les yeux, soit anaphorique, en renvoyant en ce que le narrateur vient de relater. *L'épiphénomène (lignes 16-17) au travers duquel le narrateur désigne son texte comme une sottise * Par ailleurs, le narrateur se présente comme une lettre : Je ne représente pas mal un Z Ces procédés visent à démythifier et à banaliser l'objet livre tout comme le contenu du roman même. [...]
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