Commentaire composé entièrement rédigé de l'incipit du célèbre roman d'Aragon initutlé Aurélien (l.1 à 60).
[...] Ainsi, toutes les occurrences du verbe voir et de ses synonymes ont Aurélien pour sujet. Ce qu'Aurélien voit préfigure tous les réseaux fondamentaux du texte, à savoir le monde où il vit et ses lois : Avoir vu Vienne à cet instant quand le Danube charriait des suicides, et la chute des monnaies donnait un vertige hideux aux touristes. (49 à 51) . Ainsi, l'incipit se fait l'annonceur des thématiques principales : cette phrase mêle l'argent, la guerre et le suicide, c'est à dire la mort. [...]
[...] Il aboutit enfin à une extension qui nie l'individualité et la supériorité de Bérénice : une étoffe qu'il avait vue sur plusieurs femmes et 4). A la ligne le démonstratif celle-ci souligne le fait que Bérénice est à la fois réifiée et mêlée à la masse des autres femmes. Aurélien lui enlève tout singularité, tandis que celle du vers de Racine, mise en relief par l'opposition du mais adversatif et l'utilisation du pronom démonstratif : En général, les vers, lui . Mais celui-ci revenait et revenait . [...]
[...] En revanche, le rêve étrange et pénétrant qui s'annonce laisse présager de la suite du récit et est peut être un indice laissé par l'auteur : D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. En effet, rien ne fait référence à ces vers dans l'incipit, mais les chapitres suivants voient la dualité de Bérénice et l'amour des deux personnages se révéler. Il peut donc s'agir d'un clin d'oeil proleptique fait au lecteur. * S'il joue avec la notion même d'incipit, Aragon joue également avec les codes romanesques. [...]
[...] La rêverie onomastique qui a précédé leur rencontre est relayée par une rêverie toponymique, comme celle qu'on peut retrouver chez Proust dans Nom de pays : le Nom, qui fait naître de la profération un univers fantasmé, où l'imaginaire du personnage prend le dessus sur la réalité. La déception d'Aurélien, face à cette Bérénice Morel qui porte un nom exceptionnel mais qui est comme toutes les autres femmes, pousse donc Aurélien à s'évader pour retrouver une Bérénice fantasmée. Un nom de princesse d'Orient est la première référence faite à la tragédie racinienne. [...]
[...] L'horizon d'attente du lecteur est donc déçu. Mais des pierres d'attente sont quand même posées. Ainsi, même s'il est mal parti, un couple est néanmoins constitué par cet incipit et pose une pierre d'attente. Les expressions la première fois et ce jour-là annoncent un possible retournement de situation ; ces compléments circonstanciels de temps marquent un jour précis, qui s'oppose à une deuxième rencontre plus heureuse. * Ainsi, un couple surprenant, constitué d'une femme banale et d'un héros hanté par la guerre, est né du jeu avec les codes romanesques. [...]
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