Daniel Bougnoux, philosophe, est professeur émérite à l'université de Grenoble III. Il dirige l'édition des œuvres romanesques complètes d'Aragon dans la bibliothèque de la Pléiade.
Le Vocabulaire d'Aragon (éd. Ellipse) et deux foliothèques, ainsi que des notes par ci et par là (dont « Aragon, la parole ou l'énigme », colloque du 11-12/06/2004 au Centre Pompidou) font de ce critique un conservateur du patrimoine littéraire d'Aragon.
L'un des foliothèques cités précédemment est « Daniel Bougnoux et Cécile Narjoux commentent Aurélien d'Aragon (Folio 1750) », dont le résumé est le sujet de notre exercice.
Dans ce résumé (qui commence ainsi : « Soixante années après sa parution, le roman d'Aurélien, bien loin d'avoir livré tous ses secrets, continue de rayonner et d'ouvrir des pistes critiques à l'inspiration de ses lecteurs »), Bougnoux maintient le mystère sur la « force d'Aurélien », en le dotant d'un rayonnement continu sur la conscience des lecteurs. Mais aussi, les secrets d'Aurélien résident dans les circonstances qui ont fait sa force et qui ont présidé à sa création : « L'œil du cyclone ».
C'est en effet cet « œil du cyclone » que Bougnoux met au centre de sa réflexion sur Aurélien et sur Aragon. Et l'auteur et son œuvre y sont « tiraillés » entre ses forces ambivalentes et profondes.
[...] Le rêve (ou l'accouchement) d'Aurélien met Aragon dans un poste avancé don-quichottien en quête de valeurs d'un Social baigné dans un contexte de guerre. Ainsi, son roman traite surtout de la symbolique et la portée éthique de la relation amoureuse d'Aurélien et Bérénice Ce rêve d'Aragon exprime son errance à lui, cet amoureux des femmes dont Julia Kristeva esquissa la psychopathologie : avide de femmes au point de vouloir se tuer pour l'une d'elles, de croire survivre pour les beaux yeux d'une autre, de prétendre jouir et écrire comme il imaginait qu'écrivaient les femmes, jusqu'à se prendre pour une femelle avant de mourir. [...]
[...] Il n'a pas lieu d'exister dans un monde faux. C'est l'histoire d'une fatalité intérieure, et c'est une histoire admirable, qui se déroule inexorablement, avec ce qu'il faut de hasards contraires et de fautes commises pour que rien, aucune explication simple ne suffise à rendre compte de la nécessité qui la précipite à l'échec. (Albert Béguin) Conclusion Une chance d'un bordel a dit Daniel Bougnoux, reprenant les termes de son Aragon (Mon Aragon n'est pas le vôtre, et nul ne lit tout à fait le même texte ) qui traite du roman, dans le colloque déjà cité. [...]
[...] L'imaginaire le mortifère, est aussi cette inconnue de la Seine, figure qui représente une femme noyée dans la Seine avec des yeux fermés, devenue par la suite Bérénice qui est à la dérive Elle est L'Inconnue de la Seine. C'est en vain qu'elle cherche un point d'appui, quelque chose de persistant à quoi elle puisse s'amarrer. Le visage de la vivante avec ses gros yeux avides, sans cesse, le masque de l'élusif et de l'insaisissable, le masque fondant de la morte vient s'y substituer. Le peintre Zamora a essayé en vain de réaliser sur une toile ce complexe confus. C'est en vain qu'elle a demandé à l'amour le secret de l'unité. [...]
[...] Aragon c'est lui qui est au cœur du cyclone- se trouve dans la zone sud occupée responsable de l'organisation des intellectuels résistants en zone sud Cette guerre qui gronde jusqu'au sein des couples a eu raison du couple pas vraiment impossible celui-là Aragon-Elsa à qui Aurélien en d'autres lectures plus pointues fait allusion. Aragon a bel et bien été séparé d'avec Elsa pendant l'occupation pour bien des raisons, personnelles entre autres, mais surtout circonstancielles dans un monde où l'amour absolu apparaît à la fois socialement, humainement et politiquement impossible. Vous aurez noté qu'Aragon ne dit pas d'abord l'impossibilité de l'amour [de la passion], il pointe l'impossibilité du couple. [...]
[...] Il présente des dizaines de personnages, [ ] On parcourt Paris [ ] bien situé dans le temps d'entre- deux-guerres. On comprend sans peine que tant d'échecs, d'erreurs, de vies manquées sont les symptômes d'une décadence sociale, les conséquences d'une civilisation injuste et immorale. C'est le vide et la sécheresse de l'âge bourgeois qui jettent tous ces fantoches dans l'agitation stupide et basse, la frivolité, la veulerie. C'est l'égoïste solitude de gens sans générosité qui inspire les vaines inventions de pauvres anarchistes littéraires en lesquels on reconnaît les anciens amis d'Aragon. [...]
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