"Aurélia", Gérard de Nerval et "Si c'est un homme", Primo Levi - l'écriture comme une forme de survie

Résumé du document

"L'Enfer c'est les autres". La maxime de Sartre semble trouver tout son sens à travers les deux oeuvres autobiographiques de Gérard de Nerval (1808-1855) et de Primo Levi (1919-1987). Celui-ci, juif italien entré dans la résistance lors de la Seconde Guerre mondiale, raconte sa déportation à Monowitz (à sept kilomètres d'Auschwitz) dans son récit "Si c'est un homme ".

Quant à Nerval, ce sont ses grandes crises de folies et ses deux internements qu'il relate dans "Aurélia". À première vue, ces deux oeuvres littéraires sont éloignées l'une de l'autre. Pourtant, le résultat de leur expérience infernale est le même, à savoir : la déshumanisation. L'absence de liberté, de repères spatio-temporels ; la souffrance ; le dénigrement ; la perte de son identité ; sont autant d'éléments communs aux deux auteurs.

Réchappés de la mort ou d'un égarement psychique irrémédiable, Levi et Nerval ont choisi d'écrire un récit autobiographique. Alors, il devient pertinent de se demander, au-delà de la raison du choix d'écrire, comment Nerval et Levi se servent-ils de l'écriture pour recouvrer tout leur caractère humain et leur identité.

Extraits

[...] Selon un proverbe oriental: la mémoire se perd; mais l'écriture demeure En mettant des mots sur les maux, les deux auteurs opèrent un témoignage. Levi lui-même l'indique, à la fin de son incipit mais aussi dans le dernier paragraphe de Appendice qui succède au récit, survivre et témoigner sont inextricablement liés. Dans chacune des oeuvres, le narrateur n'apporte pas de jugement quant à ses bourreaux, sa situation. Il s'en tient à la fonction de témoin. De là l'aspect scientifique dans la description des lieux et des personnages. [...]

[...] "Aurélia", Gérard de Nerval et "Si c'est un homme", Primo Levi - l'écriture comme une forme de survie L'Enfer c'est les autres La maxime de Sartre semble trouver tout son sens à travers les deux oeuvres autobiographiques de Gérard de Nerval (1808-1855) et de Primo Levi (1919-1987). Celui-ci, juif italien entré dans la résistance lors de la seconde guerre mondiale, raconte sa déportation à Monowitz (à sept kilomètres d'Auschwitz) dans son récit Si c'est un homme. Quant à Nerval, ce sont ses grandes crises de folies et ses deux internements qu'il relate dans Aurélia. [...]

[...] Cet élément vient appuyer l'idée d'une méthode scientifique dans le sens où le chapitre six de la seconde partie s'apparente à une conclusion et même, une solution déduite de faits représentés par les chapitres précédents. Aucun titre ne leur est donné. Au contraire, Levi nomme chacun des dix-huit chapitres de son oeuvre. Chimiste de formation, c'est dans un esprit scientifique que l'auteur italien dresse Si c'est un homme. Donner un nom aux chapitres relève ici de la dimension plus romanesque. La cohabitation entre la logique des sciences et le roman est présente au sein des deux récits dont il est question dans l'étude. [...]

[...] Néanmoins, il ne s'agit pas dans Si c'est un homme ou Aurélia, d'un témoignage tel qu'employé couramment soit: la relation faite par une personne de ce qu'elle a vu ou entendu (cf. dictionnaire Le Petit Larousse). Effectivement, la fonction didactique des récits se perçoit aisément. Celle- là est même double. D'une part, chaque oeuvre apporte au lecteur un enseignement quant à ce qu'il s'est passé historiquement, ou quant aux mystères de la folie humaine. Survivre dans le but précis de raconter les choses tel est le souhait de Primo Levi lors de sa déportation, survire pour écrire (cf. [...]

[...] ) la nuit s'épaississait peu à peu, et les aspects, les sons et le sentiment des lieux se confondaient dans mon esprit somnolent, je crus tomber dans un abîme qui traversait le globe Ce passage rappelle la perte dans la forêt précédant l'entrée en Enfer chez Dante. Aussi, Nerval est doté d'un guide tel qu'il le fait noter au chapitre cinq de la première partie Mon guide me fit gravir des rues . et est confronté à des épreuves. En somme, Levi et Nerval apportent par l'écriture, la preuve qu'ils sont dotés de facultés intellectuelles au même titre que tout être humain. Mais cela leur suffit-il pour surmonter l'expérience cauchemardesque? Pas sûr. [...]