Le chapitre XII est l'avant dernier du roman, une conclusion ouverte dans laquelle la déchéance de Gervaise culmine avec sa longue errance à travers Paris. C'est l'hiver, tout a été vendu ou est parti au Mont-de-Piété. Gervaise dort sur la paille et fait les poubelles. Elle se retrouve pratiquement à la rue, réduite à la mendicité.
Dans cet extrait, la jeune femme se prostitue, et recherche un client, synonyme de subside, afin de se nourrir. Il neige, et c'est finalement Goujet qu'elle va rencontrer. Zola met ici en scène la perte de Gervaise et dramatise son récit dans une rencontre qui suscite chez le lecteur des regrets quant au destin de l'héroïne (...)
[...] L'anéantissement personnel Cet extrait témoigne du sentiment d'autodépréciation de Gervaise, facteur d'accélération de sa déchéance. Le recours au style indirect libre nous fait entrer dans son esprit lorsqu'elle se met à la place de Goujet la regardant. Zola souligne alors cette dégradation par une allitération en une hyperbole et un phénomène d'accumulation : être vue par lui au rang des roulures de barrière, blême et suppliante (ligne 25). C'est à l'image de son ombre, une vraie caricature que va livrer le texte dans le troisième paragraphe (Et ça se passait sous un bec de gaz, elle apercevait son ombre difforme qui avait l'air de rigoler sur la neige, comme une vraie caricature, lignes 26-27). [...]
[...] ne pas avoir une lichette de pain, ni une goutte de vin dans le corps, et être prise pour une femme soûle ! C'était sa faute, pourquoi se soûlait-elle ? Bien sûr Goujet croyait qu'elle avait bu et qu'elle faisait une sale noce. Goujet, cependant, la regardait, tandis que la neige effeuillait des pâquerettes dans sa belle barbe jaune. Puis, comme elle baissait la tête en reculant, il la retint. - Venez, dit-il. [ ] Émile Zola, L'Assommoir, chapitre XII (extrait 2). [...]
[...] Elle était là, à la rencontre du boulevard extérieur et des boulevards de Magenta et 15 d'Ornano, rêvant de se coucher par terre, lorsqu'elle entendit un bruit de pas. Elle courut, mais la neige lui bouchait les yeux, et les pas s'éloignaient, sans qu'elle pût saisir s'ils allaient à droite ou à gauche. Enfin elle aperçut les larges épaules d'un homme, une tache sombre et dansante, s'enfonçant dans un brouillard. Oh ! celui-là, elle le voulait, elle ne le lâcherai pas ! Et elle courut plus fort, elle l'atteignit, le prit par la 20 blouse. [...]
[...] Le quartier avait disparu, le boulevard paraissait mort, comme si la rafale venait de jeter le silence de son 5 drap blanc sur les hoquets des derniers ivrognes. Gervaise, péniblement, allait toujours aveuglée, perdue. Elle touchait les arbres pour se retrouver. À mesure qu'elle avançait, les becs de gaz sortaient de la pâleur de l'air, pareils à des torches éteintes. Puis, tout d'un coup, lorsqu'elle traversait un carrefour, ces lueurs elles- mêmes manquaient ; elle était prise et roulée dans un tourbillon blafard, sans distinguer rien qui pût la guider Sous elle, le sol fuyait, d'une blancheur vague. [...]
[...] Cependant, Goujet ne pourra secourir la jeune femme. Leur amour s'avère impossible, leur histoire étant plus soumise à la nécessité de la fatalité qu'à la vraisemblance psychologique. Cet extrait n'en rend pas moins le mélodrame de leur séparation d'autant plus touchant qu'il balaie l'espoir né du miracle de leur rencontre. La magie romanesque ne peut plus rien pour Gervaise, soumise à la rude fatalité sociale. [...]
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