Le XIXème siècle poétique et pictural se distingue par sa recherche de la beauté, considérant le beau
comme la fin de l'écriture ou de l'art1. Théophile Gautier affirme ainsi, en une maxime demeurée célèbre, « Il
n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien. Tout ce qui est utile est laid » (Préface de Mademoiselle
de Maupin, 1834). Au désir d'une oeuvre qui ne s'affirme que dans ce seul critère esthétique répond l'ambition
du Parnasse d'atteindre à une beauté absolue, transcendante, dans la perfection d'une forme dominée par
l'harmonie, à l'imitation de la statuaire hellénique. Les représentations contrastées de Vénus, déesse de
l'amour mais aussi paradigme des grâces du corps féminin, portent ainsi une conception de la beauté. Si la
Vénus d'Ingres s'inscrit dans une conception grecque de la beauté, celle de Courbet interroge la notion même
de beauté, lorsqu'il représente, de dos, une femme aux chaires flasques (Les Baigneuses, 1853). Cette réflexion
sur la beauté se lit, de même, dans le prologue d'Une Saison en Enfer : « Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes
genoux. − Et je l'ai trouvée amère. − Et je l'ai injuriée »2.
[...] Second Tercet, v. 12-14 L'insistance sur le bas du dos (lexique convergeant : croupe, reins, échine) révèle son dessein profondément ironique, provocateur et irrévérencieux. De fait, la figure de Vénus est à la fois statuaire et charnelle, prenant à la fois les caractéristiques d'une Vénus vulgaire dégradée et celles de la statue aux deux mots gravés Clara Venus (Célèbre Vénus) s'affirme comme un pied-de-nez audacieux à la tradition littéraire et picturale, l'anadyomène de Rimbaud décrivant une version perverse de la Vénus sublime. [...]
[...] vert en fer blanc peint en vert, utilisé pour les baignoires de qualité médiocre. A cette première dégradation s'en ajoute une seconde, inversion paradoxale de la naissance et de la mort comme d'un cercueil qui correspond au passage de la beauté traditionnellement liée à la jeunesse à la laideur liée à la vieillesse. Rimbaud met ainsi en place une stratégie d'inversion de la lettre-même d'un lieu pictural particulièrement fécond (ayant inspiré Raphaël, Titien, Rubens, Fragonard, Ingres, Moreau, Böcklin, Odilon Redon Les cheveux bruns participent également à cette inversion, s'opposant aux représentations traditionnelles de la Blonde Vénus (cf. [...]
[...] Si la Vénus d'Ingres s'inscrit dans une conception grecque de la beauté, celle de Courbet interroge la notion même de beauté, lorsqu'il représente, de dos, une femme aux chaires flasques (Les Baigneuses, 1853). Cette réflexion sur la beauté se lit, de même, dans le prologue d'Une Saison en Enfer : Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes 2 genoux. Et je l'ai trouvée amère. Et je l'ai injuriée . Rimbaud, dans Les Cahiers de Douai, propose, sous le titre de Vénus anadyomène (Vénus sortant des flots), la vision hideuse d'une femme s'extirpant non sans peine de son bain. [...]
[...] La rougeur (signe des pochards) s'oppose quant à elle au teint d'albâtre, tel qu'il est évoqué par Leconte de Lisle ou Théophile Gautier. La vue n'est pas l'unique sens agressé le tout sent un goût figure de l'hypallage), le mélange du goût et de l'odorat visant à donner une image totale de la laideur, un contremodèle exemplaire à tous points de vue. L'expression horrible étrangement semble préfigurer l'oxymore final, belle hideusement suggérant un salut de la laideur qui fût une beauté non pas conforme aux canons de l'esthétique classique, mais une pure jouissance esthétique et verbale, face au spectacle de l'horreur. [...]
[...] Assez mal ravaudés : sous le fard, Rimbaud donne à lire le corps dans toute sa nudité, avec un sens de la notation presque naturaliste avant la lettre. Deuxième Quatrain, v. 5-8 Le deuxième quatrain, à l'image du mythe, reprend le mouvement d'une sortie de l'onde, le haut du corps apparaissant d'abord col omoplates dos reins échine anus L'insistance sur l'aspect bouffi et replet du corps féminin (gras, rondeurs, graisse) atteste une jouissance verbale dans la description de la hideur repoussante. [...]
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