C'est tout d'abord dans une démarche originale que s'inscrit Valérius Flaccus en écrivant "Les argonautiques" à la fin du premier siècle de notre ère. S'inspirant de l'œuvre du même nom écrite par le grec Apollonios de Rhodes près de quatre siècles plus tôt, l'auteur renonce à s'inscrire dans le courant littéraire de son époque qui privilégie l'épopée historique. Le passage qui relate la rencontre entre ces deux personnages dans le chant V, vers 329-398 des Argonautiques de Valérius Flaccus, constitue ainsi une nouveauté. Il intervient en effet dès l'arrivée des argonautes en Colchide, créant un face à face absent chez son prédécesseur où la première confrontation n'a lieu qu'après le sortilège lancé par Amour et prends toute sa place dans une logique relative aux épreuves de Jason.
Cet extrait paraît donc être totalement étranger à une quelconque volonté politique au profit d'une importance particulière donnée à la relation entre les personnages. Il sera donc intéressant de se demander en quoi cet épisode particulier permet à Valérius Flaccus de dépasser l'écriture de tradition orale qui sert de base à la poésie épique pour enrichir son récit d'une véritable dimension romanesque.
[...] La narration offre une véritable prise en charge de son intériorité grâce à l'utilisation constante des possessifs avec cinq occurrences du pronom sa et son quatre occurrences de ses le pronominal se vit deux occurrences de son prénom Médée et de la jeune fille pour douze occurrences du pronom elle Le discours direct est également soit pris en charge par Médée elle-même, soit par sa nourrice et Jason qui s'adressent directement à elle. Elle paraît donc être l'unique personnage de la narration ainsi que le je et le tu du discours. Conclusion En conclusion, si cette première rencontre entre Médée et Jason contient une réelle valeur programmatique, le motif en est cependant détourné, figeant le caractère exceptionnel de l'intrigue amoureuse dans l'univers insaisissable du songe et du merveilleux. [...]
[...] De plus les personnages perdent leur statut de héros pour devenir de véritables icônes merveilleuses Les personnages sont ici représentés par un nombre important de comparaisons aux divinités, qui les font passer du simple statut d'actant moral de l'action épique souvent caractérisé par les épithètes homériques ici absentes, à la représentation d'entités divines. Médée est ainsi "telle . Proserpine" dans "toute sa beauté", capable de rivaliser "les dominant sans conteste" avec "Pallas", et "diane". Elle est "parée de rubans et éclairée de deux flambeaux". Jason la compare d'ailleurs à "une déesse, gloire du vaste Olympe" avant de prendre en charge sa description en tant que représentation de la "vierge Diane" portant ses "torches" et son "carquois". [...]
[...] La signification de la comparaison à Sirius en tant que chien d'Orion ou de Jupiter traduit bien ce statut d'objet obéissant à une instance supérieure. De plus, son adresse à Médée le place, malgré la peur qu'elle éprouve, dans une situation d'attente. Il se présente ainsi dans un but pacifique montrant la pourpre les bandelettes les rameaux d'olivier, symbole de paix Puis il se plie humblement à la demande de l'hospitalité faisant l'éloge de Médée en la qualifiant de déesse de princesse et recourant à la piéta bienheureux ton père pour se placer dans un statut d'infériorité où il se définit comme inquiet et ignorant totalement dépendant de Médée porte secours à nos hommes conduis- nous apprends-moi je remets à toi nos vies et nos biens b. [...]
[...] Les syntagmes "enfants terrifiés par la menace de la mort" et "répandait leur sang sur ses mains" évoquent les meurtres. Les propositions "avant qu'elle ne haïsse ses pauvres parents" et "va en suppliant offrir à la terrible nuit un sacrifice inutile" figent le songe dans la réalité de la scène. b. Cependant la transposition du motif dans le songe permet de donner un caractère effectivement exceptionnel mais aussi fugace à la prophétie Si la scène programmatique est décrite conformément au procédé littéraire de l'hypotypose développée dans le premier paragraphe, le motif traditionnel de l'objet, souvent un bouclier, offert par les dieux et sur lequel elle s'inscrit, disparaît au profit d'un songe dont l'horreur est frappante mais qui permet à Médée de ne pas conserver son souvenir avec exactitude. [...]
[...] Par ailleurs, c'est un climat de menace à la tonalité tragique qui régit l'atmosphère de ce passage grâce à la transposition suggestive d'un lexique guerrier, d'une isotopie de la peur et d'une prise en charge totale du destin par des figures divines inquiétantes. En outre, le caractère dramatique de la scène est renforcé par l'importance donnée au personnage de Médée auquel Jason est entièrement subordonné, et qui se trouve ici présentée de manière originale, pourvue d'un éthos digne d'une héroïne et dont l'importance du portrait psychologique tend à l'inscrire dans une dimension romanesque. [...]
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