Commentaire composé (niveau Lycée) du poème de Louis Aragon Strophe pour se souvenir tiré du recueil Le Roman inachevé.
[...] COMMENTAIRE COMPOSE, STROPHE POUR SE SOUVENIR, ARAGON : Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servi simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants Nul ne semblait vous voir français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE Et les mornes matins en étaient différents Tout avait la couleur uniforme du givre À la fin février pour vos derniers moments Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le cœur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant Aragon, Le Roman inachevé, Strophe pour se souvenir Aragon qui a écrit dès 1942 dans La Diane française des poèmes de résistance évoque, onze ans après les faits, un épisode sombre de l'histoire de la résistance : l'exécution en février 1944 des membres du réseau F.T.P (Francs-Tireurs et Partisans) de la M.O.I (Main d'Oeuvre Immigrée) dirigé par l'arménien Manouchian et connu de la population à cause de l'affiche rouge placardée par les nazis. Dans son recueil au titre provocateur Le Roman inachevé, Aragon publie Strophes pour se souvenir, poème qui invite à surmonter la fuite du temps par la force de son écriture. Que peut le poète face à la fuite du temps ? Dans un premier temps, nous verrons la recréation du passé et dans un second temps la célébration du passé. A travers ce poème et lors d'un instant, Aragon recrée le passé. [...]
[...] De plus, Aragon glorifie également les valeurs de ces résistants. Tout d'abord, leurs valeurs sont glorifiées dans la lettre de Manouchian dont le nom est tue et remplacé par un pronom indéfini comme le montre le vers 18 Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Cette absence de nom donne un caractère exemplaire à ce discours et met sur le même plan tous les hommes du réseau. L'amour de la vie s'exprime à travers la structure exclamative, malgré l'absence de ponctuation, qui marque l'émotion : Que la nature est belle et que le cœur me fend vers 27. [...]
[...] Le poète restitue également le climat tendu de l'époque à travers les strophes 2 et 3 en rappelant l'histoire de l'affiche rouge comme le montre notamment le vers 8 L'affiche qui semblait une tache de sang Aragon montre la propagande nazie qui assimile les résistants à des bandits de droit commun à travers le vers 6 Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants La nuit est une métaphore pour leurs actions clandestines tandis que les termes hirsutes menaçant montrent qu'ils sont peu recommandables. Le contexte de xénophobie est suggéré par le vers 9 Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Aragon montre l'échec de cette politique par la conjonction de coordination mais du vers 13 : Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants qui marque l'opposition. La métonymie des doigts errants désigne le peuple et montre la solidarité des résistants anonymes envers ceux que les nazis voulaient désigner comme des ennemis. A travers cette recréation du passé, celui-ci est également célébré. [...]
[...] De plus, le titre du poème Strophe pour se souvenir invite à la commémoration et se fait l'écho de pense à moi souvent vers 23, de la lettre de Manouchian. Dans la dernière strophe, l'implication du locuteur à travers l'adjectif possessif nos frères vers 33, renforce la proximité du poète et des membres du réseau. Ce poème est un message d'espoir adressé au lecteur auquel on montre par le paradoxe du vers 34 Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir la valeur de la liberté. [...]
[...] Il fait ressurgir le passé pour lui conférer l'éternité et le relier au présent. Aragon s'inscrit bien dans la tradition de la poésie engagée mais aussi de l'éloge lyrique puisque son poème sera même chanté par Léo Ferré. Il perpétue aussi la conception du poète par ses chants qui surmontent le temps qui passe. [...]
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