Guillaume Apollinaire (1880-1918) est l'un des plus grands poètes français du début du XXe siècle, inventeur du calligramme (terme de son invention désignant ses poèmes écrits en forme de dessins et non de formes classiques en vers et strophes), chantre du cubisme et précurseur du surréalisme dont il a forgé le nom.
En 1913, à l'âge de 33 ans, il publie son premier recueil de poèmes, Alcools, qui fait écho aux Paradis artificiels de Baudelaire. La légende dit que c'est au dernier moment avant la mise sous presse qu'Apollinaire décida de supprimer totalement la ponctuation d'Alcools. Outre qu'elle favorise une diction plus fluide, elle produit également des ambiguïtés riches de sens (...)
[...] En effet, la honte (vers est un sentiment négatif qui connote une blessure d'amour-propre (vers : Et le regard qu'il me jeta Me fit baisser les yeux de honte La duplicité de l'amour L'allégorie de la fausseté de l'amour repose sur l'évolution du comparant précédent, le voyou (vers devenant alors femme . saoule (vers 20-23) : Une femme lui ressemblant . Sortit saoule d'une taverne . je reconnus La fausseté de l'amour même Cette vision qui connote la prostitution et la débauche donne une image désabusée de la femme et de l'amour. [...]
[...] - la personnification de la ville avec la projection des sentiments du poète dans le cadre urbain et sa vision cauchemardesque (subjectivité du point de vue) mis en évidence par le champ lexical de la blessure (vers 16 à 19) : Au tournant d'une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une majoration de la tristesse du poète Dans la dernière strophe, le poète va utiliser un vocabulaire mélioratif : avril (vers c'est-à-dire le printemps, joie (vers 68) et amour (vers 69 et 70) ainsi que le passé composé (J'ai chanté, vers 68 ; chanté, vers 69) soulignant un temps révolu. La situation alors décrite est antithétique de celle de la première strophe : ce sont bien deux moments de l'histoire d'amour. Ce contraste accentue le poids de Londres sur la tristesse du poète. II- Une évocation nostalgique Apollinaire va alors revivre son amour malheureux en le comparant à celui de rois illustres. [...]
[...] On relève ainsi : - la comparaison où le comparant est le voyou et le comparé l' amour sentiment ou personne (vers : Un voyou qui ressemblait à Mon amour De plus, elle est mise en valeur par une assonance en et un enjambement. - le champ lexical de la petite délinquance : Un voyou (vers mauvais garçon (vers 6). Cette légèreté du sentiment est confortée par la référence à l'amour bohème (celui de Rimbaud), allusion de la métaphore filée : Qui sifflotait mains dans les poches (vers 7). [...]
[...] On relève ainsi : - le vocabulaire de la ville soulignant le cadre urbain concret et point de départ autobiographique : entre les maisons (vers Au tournant d'une rue (vers ses façades (vers une taverne (vers 23) - des indications spatio- temporelles avec une double référence insistante sur une atmosphère lugubre qui renvoient au lieu réel autobiographique et font du climat l'écho de l'état d'âme du poète : Un soir de demi-brume à Londres (vers 1). L'indication précise demi-brume connote l'état trouble des sentiments de l'auteur et suggère l'harmonie cruelle entre l'ambiance et l'état d'âme. - la connotation du climat lugubre : Un soir et demi-brume (vers brouillard (vers une taverne (vers 23). [...]
[...] Les figures mythiques et historiques alternent avec ses propres souvenirs pour finalement produire un chant nostalgique et élégiaque : entre souvenir heureux et solitude désespérée, l'histoire d'amour apparaît comme funeste à toute possibilité future d'aimer. L'excès parfois lyrique se justifie par le moment de la rupture. Ce poème se distingue des autres poèmes de l'auteur par sa sincérité autobiographique. Tout se passe comme ci la poésie ne pouvait plus transfigurer le sentiment amoureux pour le sublimer mais plutôt devenait la forme nécessaire du recueil des émotions vraies rendues dicibles par l'image et la musicalité. [...]
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