Si Guillaume Apollinaire, engagé volontaire à l'esprit aventureux, a commencé par une vision "jolie et rigolote" de la guerre ( in Lettres à Lou) de la Grande Guerre, il modifie sa perspective lorsqu'il approche du secteur dangereux des tranchées où il séjourne en septembre 1915, comme en témoigne le poème "Il y a", envoyé à sa fiancée Madeleine, résidant à Oran, et qui figure désormais dans la section "Obus couleur de lune" de Calligrammes.
Ces vers reflètent "la guerre pour de bon."
[...] La composition du poème révèle régulièrement le besoin d'évasion : le poète fait appel à l'amour et à la beauté et cherche quelque réconfort dans la nature. N'oublions pas qu'il écrit pour Madeleine, figure idéalisée et stéréotypée de ses amours passés. Du reste, c'est par cette nostalgie du bonheur enfui que s'ouvre le poème - "Il y a un vaisseau qui a emporté ma bien-aimée" - tourné vers un registre élégiaque, présentant un contraste saisissant avec les "saucisses". Dès l'abord, Apollinaire atteint l'effet recherché : heurter le lecteur. Il poursuit ainsi régulièrement ces secousses. [...]
[...] Apollinaire, Calligrammes, Obus couleur de lune, Il y a "Il y envoyé à Madeleine le 30 septembre 1915 a été recueilli dans la section "Obus couleur de lune" de Calligrammes (1918). Si Guillaume Apollinaire, engagé volontaire à l'esprit aventureux, a commencé par une vision "jolie et rigolote" de la guerre (in Lettres à Lou) de la Grande Guerre, il modifie sa perspective lorsqu'il approche du secteur dangereux des tranchées où il séjourne en septembre 1915, comme en témoigne le poème "Il y envoyé à sa fiancée Madeleine, résidant à Oran, et qui figure désormais dans la section "Obus couleur de lune" de Calligrammes. [...]
[...] A la fois ici - à cinq kilomètres d'un cimetière - et ailleurs, jouant avec les contrastes, il veut nous rendre compte d'un univers présent / absent où tout coexiste. Cette simultanéité fonctionne ici au niveau de l'espace : la catégorie spatiale - lieux éloignés géographiquement - tend à se fractionner, à se réfracter. Apollinaire présente ici une manière de collage où figurent à la fois Mexico, l'Océan, le cimetière à cinq kilomètres et l'Algérie. On a pu parler à cet égard d'une "étendue en mouvement". Une simultanéité introduite par la moyen de communication moderne à transmission immédiate. [...]
[...] Parole ici réduite à sa plus simple expression, bien différente de ses poèmes de guerre précédents : la transfiguration, voire l'esthétisation de la guerre ne sont désormais plus de mise. Car la voix d'Apollinaire, affaiblie, se plie aux circonstances. La réalité est tellement insupportable qu'Apollinaire éprouve un besoin d'atténuation : le poème se termine sur un substitut, "l'art de l'invisibilité", image de la mort. De la même manière, au deuxième vers, le poète essaie de retrouver la poésie, "art jubilatoire", en utilisant cette fois la métaphore ludique des "six saucisses" et des "asticots", dirigeables ou avions ennemis, "dont naîtraient les étoiles", frappant contraste de l'oxymore. [...]
[...] Le choix des termes est révélateur : "nuit", "sapins brisés par les éclats d'obus autour de moi" - songe-t-il à ceux des Nuits rhénanes ? - "nous avons tout haché dans les boyaux", "minuit", "le chemin de l'Arbre isolé" - une majuscule pour le seul arbre qui ait résisté aux obus "la pluie" qui trempe sa selle. Rien ne peut venir égayer le sombre tableau, pas plus la nature détruite que l'amour absent, et pas davantage la tentative artisanale de transformer un obus en encrier pour Madeleine, rappel de ces petites tâches accomplies par les Poilus : les autorités ont refusé l'envoi de l'objet, privant ainsi Guillaume et Madeleine d'un plaisir simple d'amoureux : envoyer et recevoir des présents. [...]
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