Salomé, la danseuse voluptueuse de la Bible, a inspiré de nombreux écrivains à la fin du XIXème siècle, mais aussi des peintres comme Gustave Moreau. Leurs oeuvres ont contribué à transformer l'épisode biblique en mythe, celui de la femme sensuelle autant que dangereuse. Au tournant du siècle, Apollinaire avec Alcools revient à plusieurs reprises sur ce thème de la femme fatale, et s'empare du mythe dans un poème qui en fait son titre.
Salomé offre une version qui vise à déconstruire les représentations traditionnelles de ce personnage féminin, en cinq quatrains d'alexandrins eux-mêmes retravaillés par le décasyllabe et l'hexasyllabe selon un schéma rimé modifié en toute fin. Le mythe s'y enrichit de nouvelles références, dans un poème dansant qui met en scène le personnage.
Quelle est la contribution d'Apollinaire au mythe de Salomé et à quelle conception du lyrisme invite le poète ? Nous étudierons la réécriture du mythe, synthèse hétéroclite, dans un premier temps ; nous verrons ensuite que le personnage de Salomé a de multiples facettes et qu'il orchestre toute la scène. De la plainte à la folie, Apollinaire renouvelle le lyrisme à travers ce poème.
[...]
? les personnages : "Jean-Baptiste" v.1, avec son bâton de prêcheur, v.8 et 10, "ma mère", v.3 qui désigne Hérodias, le "roi Hérode", v.11, "les soldats", v.11.
? le lieu : "sur les bords du Jourdain", le fleuve de Judée se jetant dans la Mer Morte.
? les événements : "quand vos soldats l'emmenèrent" v.10-11 : arrestation de Jean-Baptiste., "prends cette tête", "son front est déjà froid", v.15-16 : décapitation et mort du personnage.
? Les "séraphins", v.2, personnages importants dans la religion chrétienne.
> Les principaux éléments du récit d'origine sont donc présents et dessinent un arrière-plan qui nous plonge dans l'Antiquité biblique, un espace-temps très éloigné, déjà mythique en lui-même, celui de la Judée romaine et de la naissance du Christ (...)
[...] Elle réduit Jean-Baptiste à un élément physique et n'utilise plus le possessif mais le démonstratif cette tête : une distance s'instaure donc. Caractère morbide de l'image : son front ( ) est déjà froid v.16, souligné par l'allitération initiale. Salomé entraîne alors sa troupe (comme Colombine des Fêtes Galantes de Verlaine) dans une ronde folle ; marchez derrière s'adresse à une masse indistincte. Dernière strophe : rythme binaire des trois premiers alexandrins 6 / 6 + 3 hexasyllabes (les alexandrins sont ainsi réduits à trois hémistiches) : accélération. [...]
[...] Des éléments disparates qui s'y ajoutent étrangement Eléments liés à différentes époques et à différents lieux : Sire v.2, fou du roi v.14, je brodais des lys sur une banderole / Destinée à flotter au bout de son bâton v.7-8 : contexte médiéval, allusion à l'amour courtois. Les chevaliers en effet se battaient pour leur dame et portaient leurs couleurs au bout de leurs lances. des lys : le lys est l'emblème de la monarchie française, il peut aussi symboliser ici la pureté du Saint. l'infante fait penser à l'Espagne, monarchie très catholique. Vocabulaire anachronique : comtesse Dauphin trabants (archaïque) : hallebardiers (XVème - XVIIIème), quinconces (date de 1534), tabatière (XVIIème). [...]
[...] Ce type de personnage, la femme séductrice et cruelle, apparaîtra dans d'autres poèmes comme La Loreley ou Les colchiques Créatures célestes à trois paires d'ailes, les plus proches du trône de Dieu. Fils aîné du roi de France, héritier de la couronne. Fleuve d'Israël mentionné souvent dans la Bible)08=FtuŸ ¡ÍÎôõö& ' T U } ~ Ù Ú 9:gh˜™šÄÅíî÷ø) * H I Z [ ç îÛîȸ©š© : Jean- Baptiste baptisait sur ses rives du temps de la province romaine de Judée. [...]
[...] La sexualité est donc présente dans le discours de Salomé, mais pas vécue réellement. A travers le mythe, l'expérience personnelle est filtrée de trop de lyrisme anecdotique tout en étant grandie et universalisée. Apollinaire en profite aussi pour oser ces métaphores dans un contexte a priori plus solennel : le sacré de la religion fait l'objet d'un blasphème. Le poème est donc caractéristique du recueil car il se sert de la tradition tout en la renouvelant au moyen d'une écriture moderne, soucieuse de l'accord entre la forme et le sens (cf. [...]
[...] Le rythme général de cette strophe commence à être chaotique et annonce la suite. Le vers qui reprend avec amertume le vers est une question directe brutale, qui permet à Salomé de revenir à ses interlocuteurs Sire v.2 et Ma mère v.3, associés en tête de vers et dans le vers un hémistiche chacun). La danse macabre, aboutissement du poème Les quatrains 4 et 5 sont dominés par l'impératif et le futur de l'indicatif, expression de la volonté de Salomé qui entraîne d'autres personnages dans sa folie : Venez tous avec moi v.13, Ne pleure pas v.14. [...]
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