il s'agit de l'explication linéaire du poème « Nuit rhénane », sans ponctuation. Comme tout le recueil auquel il appartient, ouvre la section « Rhénanes » du recueil Alcools, publié en 1913. Comme dans “Les Femmes”, qui clôt cet ensemble, on observe le motif du batelier et celui de la vigne. Tout en même temps, “Nuit rhénane” est lié par un jeu de miroitements au poème qui le suit, le célèbre “Mai” : le motif du fleuve, que l'on retrouve dans les deux textes, est ici associé aux thèmes du chant et de l'ivresse, en écho au titre du recueil. Comme l'indique le titre du poème, posant un cadre nocturne, il semble que l'on assiste à la mise en place d'une vision suscitée par l'ivresse, mêlant sensations concrètes et bribes de légendes, dans un poème qui se fait chanson.
[...] A la rime est introduite l'image des "femmes". Le cadre est propice, comme l'indique le complément circonstanciel de lieu, « sous la lune », en écho au titre : on note la proximité de l'histoire enchâssée (la chanson du batelier) et du cadre enchâssant du poème, ce qui produit un effet troublant. Ce trouble est augmenté par la précision numérique des « sept femmes » : le nombre, symbolique, rappelle la légende : la tonalité merveilleuse se confirme. Au quatrième vers, le verbe « tordre » est mis en valeur à l'initiale, par un nouvel enjambement. [...]
[...] La deuxième strophe : 4 alexandrins aux rimes croisées, construisant un système antithétique avec ce qui précède. La deuxième strophe s'inscrit toujours dans un espace de dialogue problématique et mystérieux : une nouvelle injonction, "chantez", développe le même champ lexical de l'ouïe que dans la strophe précédente. On note cependant le passage de « écoutez » à « chantez », s'opposant au « chant du batelier ». Le thème de la danse introduit un mouvement qui semble quant à lui s'opposer à la torsion des cheveux ; l'accent est mis sur l'absence de limites temporelles de ce mouvement de danse, reconduit à l'infini, avec le participe présent, ce qui est encore amplifié par la mention de la « ronde » : tout se passe comme s'il s'agissait de construire un cercle magique protégeant le sujet lyrique. [...]
[...] Mais cette opposition contrastée semble d'une grande ambiguïté si l'on replace ce poème dans l'économie du recueil : « La Loreley », appartenant au même ensemble, développe précisément l'image d'une sorcière blonde, qui a ensorcelé le sujet lyrique, et fait aussi rimer "ronde" et "blonde" . La section instaure ainsi un jeu d'échos ironique qui fait vaciller les certitudes du lecteur, et fait planer le doute même sur ces figures censées être rassurantes. 3[ème] strophe : 4 alexandrins, rimes croisées, avec reprise en écho d'une rime de la strophe précédente. Après le mélange des sensations concrètes et des bribes de légende, dans une tonalité quasi merveilleuse, voire fantastique, on assiste à une apothéose : la personnification du Rhin, comme dans un paysage état d'âme. [...]
[...] En effet, on entend l'adjectif « trembleur » en filigrane, en écho au premier vers. Semble ainsi se dessiner le motif de la femme sorcière, en écho à Mélusine ou à la Loreley : après le chiffre sept intervient la couleur verte, mise en valeur à la césure. Enfin, la précision, « jusqu'à leurs pieds », donne l'image d'une sensualité débordante, peut-être menaçante. En effet, elle correspond à tout un premier ensemble de figures féminines qui domine le recueil : la femme fatale, qui menace la virilité, voire l'existence des figures masculines (par exemple, dans la même section, « Loreley », « sorcière blonde / qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde » ; ou encore la femme-« voyou » qui provoque les souffrances amoureuses du sujet dans la « Chanson du Mal-Aimé », et la figure de Viviane, meurtrière de Merlin, à la fin de « Merlin et la vieille femme »). [...]
[...] L'incertitude est liée à l'absence de ponctuation, que l'on retrouve dans l'ensemble du recueil, et qui constitue un signe de modernité poétique. En tout cas, « l'été » complète le cadre de la scène, de la vision : la "nuit rhénane" est une nuit d'été, propice aux amours mais aussi aux transfigurations, à la magie (on pense au titre de la pièce de Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été). oo En crescendo, le premier mouvement met ainsi en place une vision mêlant les sensations concrètes du sujet et la convocation de personnages légendaires, dans une confusion merveilleuse, en lien avec le thème de l'ivresse et du rêve, mais mêlée d'éléments négatifs. [...]
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