Après l'exposition Van Gogh à l'Orangerie en janvier 1947, Artaud décide d'entreprendre l'écriture d'un essai sur le peintre (Van Gogh le suicidé de la société) . Il prend la défense de cet artiste au sujet duquel les psychiatres ont employé le mot de "folie" et dont l'oeuvre, par les "insupportables vérités" qu'elle mettait en lumière, dérangeait la société.
[...] Or, ce qu'Artaud voit en Gachet c'est avant tout le psychiatre qui prétend guérir la folie en tuant la pensée, cette pensée du mal du problème qui pousse l'artiste à créer, sa quête picturale étant indissociablement liée à celle de son moi dans le monde : ce faisant le docteur Gachet lui interdisait le semis soufré, l'affre du clou tournant dans le gosier de l'unique passage, avec quoi Van Gogh, tétanisé, Van Gogh, en porte-à-faux sur le gouffre du soufffle, peignait. (p. 32-33) C'est le mot illuminisme qui, selon Artaud, définit le mieux l'état inhérent à la nature du Van Gogh, une de ces natures d'une lucidité supérieure, qui leur permet, en toute circonstance, de voir plus loin, infiniment et dangereusement plus loin que le réel immédiat et apparent des faits. »(p.34). [...]
[...] Et où est dans ce délire la place du moi humain ] il venait [ ] de découvrir ce qu'il était et qui il était, lorsque la conscience générale de la société, pour le punir de s'être arraché à elle, le suicida. »(Post-scriptum, p. 20.) Envoûtements, possession le poète choisit volontairement d'employer ces termes touchant à la fois aux domaines de la sorcellerie et de la religion. Il résume l'exposé métaphorique de l'action maléfique qu'engendre la vénimeuse agressivité du mauvais esprit de la plupart des gens par une alliance de mots : la magie civique (p.18). [...]
[...] Et ce mot-même, parce qu'il a une tout autre définition dans le vocabulaire psychiatrique état d'exaltation pathologique accom pagné de visions de phénomènes surnaturels - symbolise à lui seul deux conceptions de l'être et de l'existence s'excluant l'une l'autre : Ce que les psychiatres ne croient jamais. Ce que les génies croient toujours. (p.36) Chaque tableau de Van Gogh, même si le plus grand calme semble l'avoir investi tout entier, annonce l'apocalypse : [ ] L'apocalypse, une apocalypse consommée couve à cette heure dans les toiles du vieux Van Gogh martyrisé, et [ ] la terre a besoin de lui pour ruer de la tête et des pieds. Nul n'a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l'enfer. (p. [...]
[...] L'introduction à l'essai dénonce violemment ce danger : les mots deviennent des armes dans la bouche du poète, fusent, tonnent, se font cris de colère et de haine autant que de désespoir. Plus encore, les mots dénoncent une société qui, selon Artaud, s'est toujours employée à éliminer ceux qu'elle nomme ses poètes maudits L'auteur prend les armes au nom de ces cas individuels retentissants victimes des envoûtements unanimes dont l'unique but est de baîllonner d'insupportables vérités Il énumère : Baudelaire, Edgard Poe, Gérard de Nerval, Niestzche, Kierkegaard, Holderlin, Coleridge Van Gogh. [...]
[...] 27) La couleur noire des corbeaux fastes témoigne de leur lien avec le ciel obscur qui fait d'eux les messagers de ses menaces, mais aussi de l'emprise de la terre quand le ciel les plonge dans la nuit : [ ] nul autre peintre que Van Gogh n'aura su comme lui trouver, pour peindre ses corbeaux, ce noir de truffes, ce noir de gueuleton riche et en même temps comme ex crémentiel des ailes des corbeaux surpris par la lueur déscendante du soir. [...]
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