Lorsque Du Bellay revient d'un voyage à Rome en 1558, il publie "Les Antiquités de Rome", recueil dédié au roi de France où il présente sa déception face aux ruines de la cité italienne. Le sonnet XVII en particulier développe une déploration de la grandeur antique perdue. Pourtant, ce poème mêle des verbes au passé, au présent et au futur ("contemples", "menaçait", "jugeras"…).
Quels sont donc les enjeux de cette déploration qui ne semble pas se limiter à un regret du passé ?
Pour commencer, le sonnet propose un panorama des ruines de Rome. Cette vision est d'abord une imagination de la gloire passée : elle évoque les architectures romaines ("palais", v.3, "arcs", "thermes", "temples" v.4) orientés autour d'un axe vertical. En effet, cette grandeur s'élève jusqu'à menacer « les cieux » (v.2), et l'auteur fait rimer cette dernière expression avec la diérèse finale de "monts audacieux" pour insister sur la hauteur monumentale des constructions.
[...] Conclusion En conclusion, nous pouvons affirmer que ce sonnet est représentatif de l'optique du recueil, car il part de la déploration devant le spectacle des ruines pour traiter des thématiques plus générales sur le passage du temps et la portée de l'œuvre humaine. Il fait aussi montre d'une grande richesse de procédés d'écriture, tout en respectant de strictes contraintes formelles, comme selon l'héritage des Grands Rhétoriqueurs. Selon une hypothèse de Paul Zumthor, cette virtuosité formelle pourrait servir à compenser un contexte d'écriture instable marqué par des guerres encore proches. [...]
[...] Le triste spectacle des ruines Toutefois, le poème oppose très vite à cette vision valorisante une dépréciation des ruines. Au vers l'adjectif qualificatif ample évoque la totalité de la destruction autour d'un axe horizontal : la largeur du spectacle des ruines contraste avec la grandeur du passé. Cette idée est renforcée par l'allitération de sons durs r t rythmant l'accumulation du vers qui rappelle que rien ne reste de l'harmonie de Rome. Le regard ne sait que suivre dans l'hypotypose de ruines informes présentée par l'abondance du déictique ces (v.3-4 et 8). [...]
[...] "Les Antiquités de Rome", Joachim Du Bellay (1558) - sonnet XXVII "Toy qui de Rome émerveillé contemples" Le texte 1 démon, au sens étymologique grec : génie protecteur, divinité 2 fatal : relatif au destin (fatum) 3 s'efforce de ressusciter Introduction Lorsque Du Bellay revient d'un voyage à Rome en 1558, il publie Les Antiquités de Rome, recueil dédié au roi de France où il présente sa déception face aux ruines de la cité italienne. Le sonnet XVII en particulier développe une déploration de la grandeur antique perdue. [...]
[...] La progression temporelle Par conséquent, la volta du sonnet introduit à retour au présent marqué par l'adverbe après (v.9). Ce terme est lié à l'impératif regarde qui fait écho à l'indicatif deuxième personne contemples de la même façon que l'indicatif deuxième personne jugeras (v.12) fait écho à l'impératif juge (v.5). Cette structuration cyclique des temps de la déploration, accompagnée de la double intervention de l'adverbe encore (v.9 et prolonge la temporalité du poème dans le sens du futur, d'autant plus que les deux impératifs incitent à ne pas rester dans la contemplation passive. [...]
[...] Mais parce que l'auteur y ajoute deux verbes au préfixe de renouvellement rebastit v et ressusciter v.14), le cycle humain est conçu comme une progression grandeur-chute-renaissance, présentée sous le signe de l'inéluctabilité grâce à l'adjectif fatal (v.13). L'invitation à la reconstruction Il est aussi à remarquer que le poème est bâti sur une apostrophe de l'instance poétique à elle-même Toy v.1). Ce monologue pourrait aussi bien s'adresser au moi poète qu'au lecteur ou à toute personne susceptible de contempler les ruines de Rome. Or, ce poème appartient à un recueil au destinataire français, dont le pays est à reconstruire après la Guerre de Cent Ans. [...]
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