parole, rhétorique, communication, vérité, valeurs morales, Antigone, Sophocle
La rhétorique, art de la parole, fut longtemps critiquée notamment par le philosophe grec Socrate qui considérait que celle-ci sert uniquement l'intérêt du rhéteur. Platon, lui, affirmait que le rhéteur peut tout de même avoir une légitimité si son art est mis au service de la vérité. Il s'avère que l'on peut observer ces deux cas distincts sous deux personnages antithétiques mis en scène par Sophocle, l'un des trois grands dramaturges grecs de l'Antiquité, dans sa pièce Antigone dont nous étudierons un extrait crucial. D'abord avec Créon, qui se voit devenir roi suite à la guerre que se sont livrés les deux héritiers du trône, Polynice et Etéocle, les conduisant tous deux à la mort. Créon décide d'offrir une sépulture uniquement à Etéocle, et c'est là que notre protagoniste entre en scène. Antigone, qui tient le rôle éponyme de la pièce, désobéit et honore son frère par des funérailles. Alors dans quel cas la parole peut-elle et doit-elle être au service de la vérité ?
[...] Alors dans quel cas la parole peut-elle et doit-elle être au service de la vérité ? Pour y répondre, nous verrons qu'Antigone fait usage d'une vérité morale en adoptant la fonction éthique de la parole et qu'elle considère que celle-ci vaut la peine de mourir, tout en servant de symbole de résistance pour son peuple. Étant uniquement soumise à ses propres convictions, Antigone n'a pas peur de dire la vérité. Elle ne nie rien qui ne lui soit reproché « je l'avoue et n'ai garde, certes, de le nier », elle affirme tout sans hésiter. [...]
[...] En effet, en plus de ne ressentir aucune appréhension pour son sort, Antigone avoue qu'elle se réjouit d'être libérée du fardeau de la vie. Elle a l'audace de dire que « Mourir avant l'heure, c'est tout profit lorsqu'on vit comme moi ». Finalement, en plus de l'avoir laissée accomplir son œuvre, Créon lui offre la liberté. Sous l'empire du tyran, Antigone dit vivre « au milieu des malheurs sans nombre » ce qui explique la nouvelle question rhétorique qui suit « comment ne pas trouver de profit à mourir ? [...]
[...] Le peuple, SON peuple lui doit obéissance et n'a pas le droit de protester. Créon est plus que fidèle aux lois « des lois établies ». Sa vérité, ne reposant que sur son autorité, est donc illégitime. On sait de lui qu'il se range du côté des politiques en utilisant le discours judiciaire, et c'est typiquement ce genre de rhétorique malsaine que Socrate surnommait « l'art du mensonge » : elle ne sert que les intérêts du rhéteur. De plus, aveuglé par son pouvoir, il ne fait preuve d'aucune empathie et d'aucune morale, « ni elle ni sa sœur n'échapperont à une mort infâme ». [...]
[...] « Non, ce ne sont pas là les lois qu'ils n'ont jamais fixées aux hommes », Antigone n'obéit donc qu'aux lois divines « lois non écrites, inébranlables » comme dit-elle. Créon, quant à lui, semble servir sa propre vérité. Lorsque qu'il dit « tu as osé passer outre ma loi ? » on comprend alors qu'il n'en voit que par les lois qui lui assurent son statut, s'ôtant lui-même tout esprit critique ou moral. On voit là le parfait exemple du tyran « on n'a pas le droit de faire le fier lorsque l'on est aux mains des autres ». [...]
[...] « Tout ceux que tu vois là applaudiraient aussi, si la peur ne devait pas leur fermer la bouche », dit-elle, ce qui laisse entendre que si tout le monde parvenait à se défaire de la peur, alors l'empire tyrannique de Créon serait aboli. Elle se sait admirée pour avoir osé suivre ses convictions en faisant preuve de courage, en renonçant à la vie « pouvais-je cependant gagner plus noble gloire que celle d'avoir mis mon frère au tombeau ? [...]
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