Francis Ponge s'exclame : "Cherchez-moi quelque chose de plus révolutionnaire qu'un objet, une meilleure bombe que ce mégot, que ce cendrier". Ce poète est en effet celui qui a choisi "le parti pris des choses", celui qui fait un poème à partir d'objets ménagers ou d'aliments, mais il ne se limite pas aux objets, c'est tout "le monde muet " qu'il souhaite chanter et présenter dans sa poésie. C'est en ce sens qu'il déclare : "Animal à parole, le poète est l'otage et l'ambassadeur du monde muet".
Ponge propose ici une définition complexe du poète en lui prêtant successivement plusieurs caractéristiques. Ainsi, il se trouve d'abord être un "animal à parole", une expression quelque peu péjorative qui permet de présenter le poète comme d'abord et avant tout celui qui se sert des mots, du langage, de manière presque instinctive.
Dans cette définition une certaine ambiguïté apparaît, le poète est réduit à l'état bestial, d'homme privé de liberté, mais doté d'un rôle important, respecté et estimé en étant chargé d'un message, d'une mission. Il s'agit donc d'analyser le rôle du poète selon cette définition proposée par Francis Ponge, de saisir la raison de cette nécessité qui pousse le poète à se faire porte-parole du monde muet. Mais par cette définition Ponge traduit une rupture brutale et impose le primat de l'objet contre celui de l'homme.
Il est alors légitime de se demander si le poète doit se limiter à ce topos, n'est-ce pas négliger l'homme ? Mais aussi transposer sa propre vision, pensée sur des objets en leur prêtant une certaine sensibilité et en utilisant un mode d'expression qui leur est tout à fait étranger…
[...] C'est en ce sens qu'il déclare : animal à parole, le poète est l'otage et l'ambassadeur du monde muet Ponge propose ici une définition complexe du poète en lui prêtant successivement plusieurs caractéristiques. Ainsi il se trouve d'abord être un animal à parole une expression quelque peu péjorative qui permet de présenter le poète comme d'abord et avant tout celui qui se sert des mots, du langage, de manière presque instinctive. Ce dernier devient par la suite otage du monde muet, c'est-à-dire qu'il ne peut se soustraire à sa tâche première qui est de se poser comme ambassadeur de ce monde muet en représentant ce monde qui ne peut s'exprimer par lui-même, il est le porte-parole de ceux qui ne peuvent parler c'est-à-dire les objets mais aussi les animaux, les éléments du paysage. [...]
[...] Devenir ambassadeur du monde muet c'est donc se donner pour ambition de chanter ce qui ne peut s'exprimer. Ponge retrouvait chez du Bartas cette sensibilité et cette démarche. Cet écrivain et poète du XVIe siècle fait dans son œuvre une louange de la nature dans laquelle il se plonge et qui l'inspire. Il perçoit dans la mer une présence, une sensibilité et exhorte, interpelle le lecteur. La puissance, la beauté de la nature ont besoin d'être traduites par le poète : Mais voy comme la mer Me jette en mille mers, où je crains d'abismer. [...]
[...] Enfin, Ponge définit le poète comme animal à parole et otage du monde muet. Il révèle ici les risques de cette poésie pour le poète. En effet l'expression d'animal à parole est dotée d'un caractère péjoratif, le poète devient une bête qui agit moins par la raison, la réflexion, que par pur instinct. Etre poète devient une obligation, il ne peut se soustraire à sa tache, il obéit à la parole tout autant qu'il l'utilise. Il devient alors enchaîné à sa condition de poète et soumis à ce qu'il doit chanter. [...]
[...] En effet en étant dans le faux-semblant, l'homme met en silence sa véritable identité, son être profond. Malgré le bruit qui l'entoure, dans lequel il se complet, il est fait de silence et ceci peut expliquer son besoin de se retrouver quelquefois dans le silence de la nature, se retrouvant alors en même temps qu'il découvre le paysage. Dans Méthodes Ponge déclare ainsi que le monde muet est notre seule patrie Après avoir pris conscience de sa similitude avec les objets, de son appartenance au monde muet grâce au poème-objet, l'homme peut être à l'écoute de l'objet et le découvrir en dehors de sa notion d'utilité. [...]
[...] L'œuvre de Ponge oscille alors entre la poésie de l'objet et l'objet-langue, les deux pôles se mêlent, afin de briser la frontière entre le monde de la matière et le monde du langage, de celui du silence et de celui de la parole, le langage se fait matière, le poème devient objet. En effet le poème devient d'abord objet de plaisir pour l'esprit mais par la grande rigueur, la grande densité et la forte tension dans l'écriture le poème rivalise avec la perfection de l'objet. Dans le désir d'égaler l'objet, le poème devient objet, et l'objet ultime du poème. [...]
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