"Je vous fais voir l'envers des événements, que l'histoire ne montre pas" déclarait en 1848 Chateaubriand dans ses Mémoires d'Outre -Tombe. Le romancier définissait ainsi la tâche qu'il considérait comme sienne: en plus de raconter, il s'agit de révéler ce qui reste derrière le récit, c'est-à-dire de tirer un rideau que le lecteur ne voit pas toujours.
Dans cet extrait des Mémoires d'Outre -Tombe, (I - 2 - 6), il s'y emploie également, nous donnant le récit d'un souvenir d'enfance en Bretagne, auquel vient se superposer sa propre parole, qu'il rend présente. Il s'agit donc bien ici de mémoires - écrit en partie autobiographique - mais dont le champ dépasse le simple souvenir. Ce qui retiendra notre attention ici sera, dans un premier temps, le rapport fait par le narrateur d'un souvenir, puis la mise en évidence d'un second niveau de lecture. Enfin, nous verrons comment Chateaubriand remplit cette exigence qui est la sienne de révéler des éléments que le souvenir lui-même ne montre pas.
[...] C'est en cela que la superposition des regards est très importante dans le texte. On distingue clairement les moments où parle l'enfant - caractérisés par un style plus vif, encore accentué par l'asyndète (absence de ponctuation) dès le deuxième paragraphe racontant l'anecdote, passages montrant son impétuosité et son animation au combat. Au contraire, le narrateur -homme se regarde agissant, et juge ses actes passés : avec le recul il juge son vocabulaire caractéristique d'une "érudition de grimaud" : le narrateur -auteur jette ici un regard amusé sur lui-même. [...]
[...] L'enjeu est donc bien ici la fiction en elle-même, la diégèse pure (ce que l'on appelle communément l'histoire), avec ce qu'elle comporte de détails précis donnés par le narrateur, comme l'évocation des lieux ( "Nous retournâmes au collège"), le déroulement strictement chronologique, et enfin le noeud de l'intrigue. La Drama, la trame, est également teintée du regard du narrateur, ce qui contribue à en faire un récit de mémoires. Elle concerne ici une punition donnée par un abbé au jeune héros. Cette punition est immédiatement évoquée par le terme " peine", rendant de ce fait la tension présente dès le début de la narration. [...]
[...] L'effet d'attente provoqué par la promesse de l'abbé (il "promit de faire un exemple") est ici déçu. Pire encore, c'est celui qui devait être puni qui sort triomphant de toute l'affaire, et par l'emploi de la violence. Le pathos n'a pas été la solution, comme on aurait pu le croire si le récit avait été moral, mais bien le combat. Au lieu de l'avoir corrigé, cette aventure a conforté le narrateur dans son caractère obstiné. Il semble d'ailleurs que ce soit le point central du texte. [...]
[...] Il s'agit donc bien ici de mémoires - écrit en partie autobiographique - mais dont le champ dépasse le simple souvenir. Ce qui retiendra notre attention ici sera, dans un premier temps, le rapport fait par le narrateur d'un souvenir, puis la mise en évidence d'un second niveau de lecture. Enfin, nous verrons comment Chateaubriand remplit cette exigence qui est la sienne de révéler des éléments que le souvenir lui-même ne montre pas. L'extrait qui nous intéresse est le récit d'un souvenir fait par un narrateur -auteur, récit rétrospectif d'une punition dont il est sorti triomphant. [...]
[...] C'est donc bien l'adulte qui s'exprime dans ces moments-là, particulièrement à propos de ses émotions, et en utilisant un vocabulaire relativement étendu. En effet, le personnage passe sans cesse d'une émotion à l'autre tout au long du récit : de l'assurance au désespoir, puis de la rage à l'apaisement. Cette effusion de sentiments est caractéristique des romanciers du Moi qui exacerbent leur sensibilité. C'est la première personne du singulier qui prédomine dans ce texte, comme pour revendiquer son individualité, sa singularité (on l'a déjàˆ dit, le personnage - enfant comme adulte - se sait "rebelle", donc différent des autres). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture