Etude du dénouement de la Surprise de l'amour, comédie en trois actes écrite par Marivaux pour la Comédie italienne et jouée pour la première fois en 1722. Je rappelle brièvement les conventions qui régissent les scènes de dénouement, du moins dans le théâtre classique : c'est une résolution des problèmes suscités dans la pièce, qui peut prendre des formes diverses ; c'est le moment où le sort des pA (=personnages) est décidé, fixé. Plus spécifiquement, dans la comédie, le dénouement met en scène la levée des obstacles accumulés pendant la pièce, la réconciliation d'ennemis ou la réunion des amants. On verra que le dénouement de la Surprise de l'amour répond à ces exigences. Marivaux disait de la Surprise de l'amour que comme la Seconde Surprise, il s'agit d' « amants qui s'aiment sans s'en douter, et qui ne reconnaissent leur amour qu'au moment où ils se l'avouent ». L'enjeu de l'intrigue repose sur cet aveu, qui sera donc synonyme de l'identification, par les personnages de la Comtesse et de Lélio, des sentiments qui les animent. Il faut bien voir que Marivaux déplace l'accent sur cet aveu réciproque, c'est-à-dire sur un phénomène de langage, de communication. Il s'agit d'amener les pA dans cette situation de communication précise. Quels sont les obstacles qui les ont empêchés, au cours de la pièce, d'émettre cet aveu ?
[...] Pour continuer sur le rôle prépondérant des domestiques, je voudrais souligner le fait que ce sont eux qui détiennent les informations importantes et qui les délivrent à leurs maîtres. A cet égard, on voit se dessiner une symétrie entre les scènes 3 et 5, puisque dans chacune a lieu une révélation sur l'amour de l'autre ; je m'explique. Dans la scène 3, on voit Arlequin révéler deux informations tenues secrètes : c'est Lélio qui a le portrait, il ment en prétendant qu'il s'agit de sa cousine. Ces informations sont délivrées ici de manière comique, que j'étudierai un peu plus loin ; pour l'instant, je voudrais montrer comment les pA se répartissent en fonction d'un critère, celui de la vérité de leurs discours. En effet, la question de la Comtesse, « Que sais-tu si c'est à cause de moi ? » porte sur la véracité de l'information délivrée par Arlequin. On remarque que cette réplique comporte une reprise de mot, et que comme souvent dans ce cas chez Marivaux, la reprise est significative (...)
[...] Ce qui permet au discours d'être relayé par les codes. B La maîtrise de l'implicite des codes C'est ma dernière-sous partie, elle sera courte. Je voulais simplement relever que les deux pA ont recours au contenu implicite de codes pour se déclarer sans passer par un aveu verbal direct. Lélio tombe à genoux. D'un point de vue dramaturgique, je pense que ce geste, qui peut s'apparenter à une chute s'il est joué un peu rapidement ou brusquement, produit un effet de surprise. [...]
[...] A la fin de la scène Arelquin donne à la Comtesse une indication sur l'endroit où se trouve Lélio : vous le trouverez sans faute à droite ou à gauche et cette indication, malgré le sans faute est imprécise. Comme Lélio arrive à la scène suivante en cherchant la Comtesse, on peut supposer qu'Arlequin l'a délibérément orientée dans une mauvaise direction. Ensuite, on voit Colombine ordonner à Lélio de rester sur scène pendant qu'elle part chercher la Comtesse ; elle l'annonce d'ailleurs avec une certaine désinvolture, je vais chercher l'autre mais ce terme, autre met en relief le couple que forment à ses yeux les deux pA qu'elle traite vraiment comme des pA, à la manière d'un dramaturge. [...]
[...] J'ai tenté de montrer dans cette partie la manière dont les pA résistaient à l'action des domestiques et à retarder leur aveu, et les procédés plus ou moins efficaces qui répondaient à ces résistances. Il me reste à examiner plus en détail comment, malgré tout, ces impasses, et notamment les impasses du discours, débouchent sur une bonne utilisation des codes, c'est- à-dire une utilisation efficace de leur contenu implicite. III Des impasses du langage à la maîtrise de l'implicite des codes A Les impasses du langage : les interprétations erronées Les codes vont venir au secours des pA en leur permettant de contourner la difficulté d'un aveu direct. [...]
[...] En effet, la question de la Comtesse, Que sais-tu si c'est à cause de moi ? porte sur la véracité de l'information délivrée par Arlequin. On remarque que cette réplique comporte une reprise de mot, et que comme souvent dans ce cas chez Marivaux, la reprise est significative. Dans tout ce qu'a dit Arlequin, la comtesse ne relève que ce qui l'intéresse : savoir si Lélio conserve le portrait parce qu'il l'aime ; et ce point fait l'objet d'une demande de précision. [...]
[...] Or Lélio réagit avec vivacité : Quoi, sans me voir ? sans me l'avoir dit ? Or, Lélio va détourner l'échange sur la question du rapport amical et des convenances qui doivent régir ce rapport, il impose donc une digression. Il le fait à nouveau dans la suite dans la scène : Colombine lui demande de lui dire naturellement s'il aime ou non la Comtesse, et Lélio se montre de nouveau intéressé par des question d'usage : ce serait une grossièreté A l'inverse on voit Colombine provoquer des ruptures de rythme quand elle s'aperçoit que Lélio cherche à esquiver le sujet : Je vois bien que je ne ferai rien par la feinte Adieu, je vous entends ; je lui rendrai compte de votre indifférence Mais ce ralentissement de l'action imposé par Lélio est plus spectaculaire dans la scène 6. [...]
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