Commen Villon parvient-il à tirer un poème universel d'un épisode personnel de sa vie ?
[...] « N'ayez les cœurs contre nous endurcis », demande-t-il dès le v Quoique condamnés et punis, Villon s'efforce de montrer les pendus comme avant tout humains, afin de les ramener dans le sein de l'humanité dont la justice les a exclus. C'est ainsi qu'il faut comprendre le début du deuxième dizain : « Se frères vous clamons, pas n'en devez / Avoir dédain, quoique fûmes occis / Par justice » (v. 11-13). L'usage de l'enjambement entre les vers 11 et 12 tend à représenter cette exclusion, ce rejet justement. Mais Villon demande « pitié » (v. « merci » (v. [...]
[...] Villon et ses pendus s'adressent directement au lecteur : on trouve la trace du pronom « vous » (passim), ainsi que de l'impératif avec des verbes tels que « n'ayez » (v. « devez » (v. « excusez-nous » (v. 15). Mais c'est plus qu'à son simple lecteur contemporain que Villon s'adresse : le poème a une portée universelle, et se dirige vers les « frères humains » (v. vers « tous hommes » (v. vers cette humanité sur laquelle « prince-Jésus [ . ] a maîtrie » (v. 31). [...]
[...] Un memento mori. Villon insiste pour représenter la mort durant tout le poème, afin de permettre à son lecteur de ne pas l'oublier : il s'inscrit dans la tradition antique du memento mori. Mais il lui confère un caractère chrétien : à la lecture du refrain, il est en effet possible de penser que ceux dont il demande l'absolution divine sont les pendus, mais il peut aussi s'agir de l'humanité tout entière En effet, le pronom indéfini « tous » dans la phrase « priez Dieu que tous nous veuille absoudre », peut aussi bien s'appliquer à chacun des cinq ou six pendus, qu'à chacun des hommes. [...]
[...] Dans ce poème, Villon n'hésite pas à parler de la mort avec force détails réalistes. La mort est dite sans détour ; les expressions relevant de son champ lexical sont nombreuses : « fûmes occis » (v. « sommes transis » (v. « nous sommes morts » (v. 18). Il évoque ensuite la décomposition des corps : la chair des pendus est « dévorée et pourrie » (v. la pluie les « a débués et lavés » (v. « le soleil » les a « desséchés et noircis » (v. 22). [...]
[...] L'accumulation du troisième dizain, entièrement consacré aux outrages subis par les cadavres, donne l'effet d'un acharnement à leur encontre : non contents d'être pendus, leurs dépouilles sont maltraitées, comme pour redoubler leur châtiment. En outre, l'utilisation du présent dans cette strophe laisse à penser que ce supplice dure depuis longtemps, et n'est pas terminé. L'utilisation de compléments circonstanciels de temps renforce cet effet, avec des groupes adverbiaux tels que « jamais nul temps » (v. « piéçà » (v. « sans cesser » (v. [...]
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