littérature, LLCE Langues Littératures et Civilisations Étrangères, Molière, Paul Bénichou, Le Misanthrope, théâtre
L'oeuvre théâtrale de Molière a donné lieu, au fil des siècles, à de multiples interprétations. On a vu en Molière « un penseur pessimiste, un romantique avant la lettre, un précurseur des Encyclopédistes, un bon bourgeois, un précieux ». Quoi qu'il en soit, on ne le considère plus de nos jours comme l'auteur « à thèse » que le XVIIe siècle n'a d'ailleurs jamais pris comme tel. À cette époque, la comédie « suit le courant général du public pour lequel il écrit; il prolonge et incarne dans les actions qu'il met à la scène les pensées de tout le monde; (...) Molière ne peut pas être un ‘penseur', dans la mesure où il ne saurait jamais être un partisan. » Toutefois, s'il est vrai qu'il s'inspire du « bon sens mondain » de son temps, ce dernier implique un ensemble de jugements et donc une forme de philosophie: « une façon particulière et tendancieuse d'envisager la vie ». Pour ses contemporains, Molière apparaissait comme le narrateur par excellence de cette philosophie.
[...] Du même coup, le comique moliéresque que l'on connaît et que l'on aime se charge de gravité, le rire de mauvaise conscience, car il est question dans Le Misanthrope, non seulement de rire comme à l'habitude des marquis, des précieuses, de l'hypocrite Arsinoé, d'Oronte le poète bouffon, mais encore et peut-être surtout de se moquer d'un personnage qui n'est jamais antipathique. Ce rire d'un nouveau genre est cruel. En le rendant possible, Molière introduit dans son théâtre une double cruauté, celle qu'il dénonce dans la société de son temps (et dont il fait personnellement l'expérience), et celle qui risque fort d'animer le spectateur lui-même. Peut-être faut-il voir dans cette mise en scène de la cruauté l'un des ressorts de toute son oeuvre. [...]
[...] » (vers 113-122) que de la société mondaine de son temps. Dans cet échange célèbre, Alceste a beau se déclarer ennemi de « la nature humaine » (« Je hais tous les hommes »), ses propos ne le conduisent jamais, au cours de la pièce, à une méditation philosophique, telle qu'on peut la trouver chez Pascal, sur la condition humaine. Sa détestation des hommes ne semble concerner, en réalité, que son propre milieu social, et son désir jaloux d'obtenir de Célimène un amour inconditionnel ainsi que les manifestations d'amour-propre qui le poussent à des procès absurdes apparaissent comme ses uniques motivations. [...]
[...] Il acquerra ainsi une pérennité qui témoigne du fait que « le symbole créé par Molière était doué, sur le plan de l'histoire, d'une telle force significative qu'il a accompagné jusqu'au bout la société où il avait pris naissance ». On trouve dans l'oeuvre de Molière « la solution la plus tranquille et la plus évasive à la fois » au débat sur la grandeur et la misère de l'Homme qui a agité le XVII ème siècle, particulièrement dans les textes de Corneille, Pascal, Racine. [...]
[...] Avec l'élargissement de l'horizon humain en ce début des temps modernes, le modèle chrétien qui avait dominé les siècles passés commence à s'estomper. Du côté du « bourgeois », la plume de Molière est à l'évidence toujours sarcastique. « Il n'est pas un seul des bourgeois de Molière qui présente, en tant que bourgeois, quelque élévation ou valeur morale; l'idée même de la vertu proprement bourgeoise se chercherait en vain à travers ses comédies ». Le bourgeois est toujours médiocre ou ridicule. [...]
[...] » Il ne faut donc rien voir de « sublime » dans les tourments qu'il ressent et exprime, contrairement à ce que l'interprétation « romantique » du personnage voudrait nous faire croire. Alceste est extragavant, attendrissant, ridicule. « Ennemi de tout ce qui est », il s'oppose en tout au naturalisme de la philosophie moliéresque, fondée sur le respect du fait, « la suprématie du fait sur le droit, dont le rire est l'instrument universel. » On a parlé d'amoralisme chez Molière. Il s'agit plutôt d'une « souplesse morale », « tribut que le bonheur paie à l'ordre des choses », et notamment à l'acceptation des puissances politiques (i.e. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture