Jean de Sponde, personnage étrange et instable, est né en 1557 au Pays Basque et meurt en 1595 à Bordeaux. Humaniste, juriste et théologien, il est issu d'un milieu protestant et il étudie la théologie réformée. Sa famille étant liée à la Cour de Navarre, il y obtient un poste et lit les psaumes en 1582. Malgré la rédaction de récits profanes (poésies érotiques, traduction d'auteurs antiques) sa vie prend une orientation religieuse, il devient l'agent politique d'Henri VI en 1585 et se convertit au catholicisme en 1593. Sa conversion lui vaudra la haine des protestants, notamment d'Agrippa d'Aubigné, qui lui reproche une « mélancolie si forte que nul ellébore ne l'a pu purger, encore qu'il ait beaucoup alambiqué son cerveau après son Alchimie ». Les protestants le poursuivent alors de leurs sarcasmes et de leur haine (voire de leurs calomnies) à cause de son nouveau statut de champion de la foi catholique. Il se retire ensuite dans les montagnes de Biscaye et se consacre à une réfutation des thèses des réformés. Il meurt à la tâche et dans la misère. Cependant, l'œuvre de Sponde au XVIème siècle reste méconnue. Elle sera redécouverte au XXème siècle par Alan Boase, érudit anglais, qui la restitue et révèle un remarquable théologien calviniste.
[...] En effet, il est désormais question de l'esprit du fleuve, seulement il renonce à l'imaginer agité. C'est un esprit constant qui fait donc preuve de persévérance dans l'accomplissement de son rôle et ainsi la défend du trépas Cependant le poète semble reprocher au fleuve son impassibilité, son calme proche de la mort, par opposition à l'agitation amoureuse. On remarque un éloge de la constance amoureuse avec Sponde, éloge paradoxal de la souffrance qui naît à travers la passion qu'induit cette constance. [...]
[...] Pour conclure, il semble que ce sonnet précieux est une préfiguration des poèmes métaphysiques de Sponde, ceux qui vont méditer sur la mort. On peut penser aussi que Sponde passe insensiblement de l'amour galant à l'amour mystique, celui de la créature qui souffre d'être séparée de Dieu et qui aspire à la paix de l'union après la mort. La différence du fleuve et du poète se résume enfin en un seul vers qui déborde le schéma des quatrains et sert à détacher encore mieux une de ces formules poignantes et directes que Sponde sait trouver : Mais cette peine enfin est du repos suivie. [...]
[...] S'il persiste dans son amour, malgré l'absence de retour de l'être aimé, il reste dans la peine et la souffrance ce qui maintient paradoxalement l'Amour Vivant. Sponde cherche sans doute à conjurer par la rigueur morale l'inconstance de la vie, un thème éminemment baroque. Ainsi, ce poème semble illustrer la citation de Jean Rousset, extraite de son étude sur le Baroque Cette poésie serrée, dure, abstraite [ . ] est toute tendue vers l'immuable. Son mouvement propre est fait de cette tension entre ce qui se meut et ce qui ne se meut pas. [...]
[...] Au premier vers, il y a d'emblée un ancrage du poète dans la situation initiale je contemplais Il se place au centre de l'énonciation et fait graviter autour de lui les éléments qui traduisent son état d'esprit. Le premier quatrain est alors le lieu de l'écoulement des éléments naturels, qui seront opposés aux sentiments de l'auteur dans le quatrain suivant. Prime alors la volonté chez Sponde de montrer un fleuve impassible, à travers un champ lexical du calme le dormant traîne lentement sans [ ] Écumer et selon un style proche du lyrisme. [...]
[...] Il y a une sorte de fusion du poète au fleuve. Il aurait plus de flots suggère l'excitation, l'agitation que subirait le fleuve soumis à ses sentiments. Sponde dénonce le bouleversement de l'ordre qu'induit l'amour. Le vers suivant met en garde sur la douleur du sentiment amoureux : L'Amour est de la peine et non point du repos Ici, l'opposition se met en place entre la peine, idée d'épreuve, et la question du repos ; s'agit-il d'une convalescence ? De la mort ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture