Commentaire composé sur un poème de Charles Cros intitulé Berceuse.
[...] L'originalité de Charles Cros est de jouer sur l'ambiguïté de l'identité du chat et de leurs relations. Certains détails assimilent l'animal à un être humain : le vers Nous n'avons pas pris de café l'emploi du mot savant oaristys (v.14). La condition féline s'efface presque au centre du poème : les vers 13 et à et 26 pourraient s'appliquer à un humain. Seuls la gouttière et le toit évoquent discrètement le décor familier des chats ; griffé, mordu illustrent la violence des combats d'animaux. [...]
[...] Lecture Endormons-nous, petit chat noir. Voici que j'ai mis l'éteignoir Sur la chandelle. Tu vas penser à des oiseaux Sous bois, à de félins museaux . Moi rêver d'elle. Nous n'avons pas pris de café, Et dans mon lit bien chauffé (Qui veille pleure.) Nous dormirons, pattes dans bras. Pendant que tu ronronneras, J'oublierai l'heure. Sous tes yeux fins, appesantis, Reluiront les oaristys De la gouttière. Comme chaque nuit, je croirai En partenariat avec www.bacfrancais.com La voir, qui froide a déchiré Ma vie entière. [...]
[...] Il s'agit en fait de deux mâles l'homme et le matou v. 35) qui aiment ailleurs : l'amour n'est présent que par le couple brisé qu'ils forment avec la femme et la chatte infidèles qui hantent leurs rêves. Cet amour est plus banal que la relation du poète et de son chat. Pour l'auteur, il s'agit d'un fait autobiographique, comme en témoigne d'ailleurs dans son œuvre un court texte en prose, L'homme qui a trouvé. On pourrait résumer l'aventure en quelques lignes : l'épouse de C. [...]
[...] Ils voisinent cependant avec des expressions et des réalités plus triviales : la gouttière les pleurs de crocodile le bras long Des enjambements, par exemple aux vers 14-15, miment plaisamment la chute, par le passage de la noblesse du ton oaristys à la platitude gouttière La dérision De plus, la comparaison de l'homme et de l'animal est souvent utilisée dans l'art pour se moquer des prétentions humaines, comme en témoignent par exemple les caricatures du peintre H. Daumier, contemporain de C. Cros. Ici le duel des rivaux, qui pourrait évoquer un roman de chevalerie, est assimilé à un combat de vulgaires matous qui se disputent une femelle. [...]
[...] Par cet aller retour des duos aux trios (duo du chat et de l'homme, duo de la femme et de l'amant, trio de l'adultère), de la veille au rêve, de la détresse à la tendresse, du tragique à la dérision, Charles Cros renouvelle un thème courant et ancien de la littérature et crée une musique consolatrice. Les titres de ses recueils, Le Coffret de santal, Le Collier de griffes, suggèrent que les poèmes sont des bijoux, ciselés avec art. Berceuse en est la parfaite illustration. [...]
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