De telles choses sont-elles possibles ? est un recueil de nouvelles d'Ambrose Bierce (1891), plutôt hétéroclites se recoupant cependant souvent dans leurs sujets. "Un habitant de Carcosa", nouvelle assez courte, reprend les grands thèmes qu'aborde en général l'auteur, à savoir la mort, comment savoir ce qu'elle représente, et si elle est réellement une frontière. Le protagoniste du récit, un habitant tout à fait anonyme est un représentant de l'Homme. En effet, nous devons tous mourir, sans savoir comment, ni ce qu'il y a après, voire même s'il est seulement possible de le savoir. On note dans cette nouvelle une évolution. D'abord, nous remarquons le délire d'un homme inconnu que nous pensons malade, comme il le décrit. Puis viennent pour le lecteur des indices en même temps que le protagoniste, ce qui entraîne un double point de vue sur le récit, celui du personnage et le nôtre, bien plus objectif avant la chute. Enfin, à partir de la compréhension de l'histoire suit une réflexion du lecteur à propos de la mince frontière de la mort et comment elle se manifeste dans d'autres nouvelles de Bierce, puisque c'est probablement le thème le plus récurent chez l'auteur (...)
[...] Le thème de la mince frontière entre la vie et la mort chez Bierce est très récurrent, comme chez d'autres auteurs. On pourrait faire le rapprochement avec une autre de ses nouvelles, La route au clair de lune dans laquelle la femme assassinée par son mari hante toujours les lieux de sa mort, mais ne se rappelle pas ni ne sait qui l'a tuée, ou pourquoi. L'idée que les morts ont une omniscience absolue est donc rejetée par Bierce ; l'âme de cette femme ne passe pas dans un autre univers, ou une autre dimension, elle reste en quelque sorte en vie, sans corps ; c'est donc par les yeux des autres qu'elle meurt, puisqu'eux ne peuvent plus la voir, elle est cependant toujours la même. [...]
[...] Cependant, il semble, pour un homme qui se dit malade, relativement sain, puisque capable de se mouvoir et de réfléchir sans souci tandis que je marchais parmi les pierres friables ; Un instant de réflexion sembla éclaircir tout cela Nous constatons que le paysage décrit est lugubre, et tout à fait en adéquation avec le monde intérieur du personnage et ses pensées. Il semble tout aussi mort que lui Dans tout ceci, il y avait une menace et un présage [ Oiseaux, bêtes, insectes, il n'y avait rien. Il ne ressent rien physiquement, et sait pourtant que les éléments sont là. [...]
[...] On constate également que c'est avec cette révélation, que l'on peut assimiler à une ‘illumination' que le Soleil se manifeste, comme pour symboliser la paix du personnage, ses doutes enfin dévoilés au jour, même si celui-ci se définit comme terrifié Jusqu'à présent, il pensait le jour levé puisque voyant parfaitement clair Le jour [ ] devait être assez avancé, quoique le soleil était invisible ; A l'orient, teinté de rose, le soleil apparaissait. Cependant, contrairement au personnage qui nie son état, le lecteur le connaît très rapidement par de nombreux indices. Il y a d'abord le paratexte, une citation de Hali que le narrateur cite et sur laquelle il médite en commençant son récit. [...]
[...] D'abord, le lecteur pense qu'il s'agit d'une simple citation. Mais elle expose en fait la mort de celui qui y pense, et dit tout ce qu'il y a à savoir sur ce qu'il est : une âme encore errante : Il est, en effet, différentes sortes de mort [ Dans une autre sorte de mort, l'esprit également succombe [ ] il meurt avec le corps, mais après un temps ressuscite à l'endroit même où le corps s'est décomposé. Cette dernière phrase nous indique clairement, ainsi que le titre de la nouvelle, que l'âme de cet homme erre à l'endroit où gît son corps pourtant décomposé depuis des dizaines d'années. [...]
[...] L'homme mort est ainsi une sorte d'illustration de la citation précédemment faite, en restant anonyme. Dans le titre même de la nouvelle, il n'est qu' un habitant de Carcosa Le lecteur est ainsi impliqué personnellement dans ‘l'enquête' de comment le personnage est arrivé là où il se trouve, sans raison apparente, à la façon d'une enquête policière, dont le lecteur connaît le dénouement avant les personnages eux-mêmes. Ici cependant, la chute est doublement confirmée : une première fois pour le personnage, une seconde pour le lecteur, indépendamment ; ainsi, il s'agit pour nous d'une double lecture, et d'un dédoublement du point de vue : le nôtre, et celui du personnage. [...]
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