la scène de la rencontre
dans ce texte , marguerite duras cherche à s'effacer en tant que narratrice. elle laisse parler son souvenir. donc nous avons :
- un récit d 'événements: description réduite à l'essentiel des deux personnages
- un récit de paroles: évocation à l'indirect libre du dialogue;
l'auteur veut faire exister la jeune fille qu'elle fut; elle veut restituer l'émotion ressentie
[...] Cette aventure avec le chinois aura cependant , déterminé en elle un certain mode d'aimer , d'évoquer l'amour et la fascination. L'autobiographie apparaît alors comme une libération mais aussi ,sans doute ,le prétexte d'une trahison. I Au tout début de l'Amant, Marguerite Duras évoque la journée ou au retour des vacances passées auprès de sa mère , elle rentre au pensionnat ,à Saigon. Elle se revoit à quinze ans et demie:elle emprunte le bac. Mais, une fois posée la situation spacio - temporelle , l'auteur semble différer l'apparition de son futur amant celui qu'elle appelle le Chinois. [...]
[...] La volonté de distanciation dicte le choix de la troisième personne du singulier. Alors que l'évocation précédente suscitait l'emploi de la première personne du singulier, la rencontre avec l'amant introduit une sorte de rupture solennelle: Marguerite Duras cherche à faire taire sa propre voix pour laisser exister ,une fois encore la jeune fille qu'elle fut. Elle se laisse vivre au travers du regard de l'amant: il reprend les éléments objectifs qui avaient donné lieu à des plus amples explications dans les pages précédentes. [...]
[...] Mais l'amant manque d'assurance : il est intimidé. Et , plus loin: Il répète que c'est tout à fait extraordinaire de la voir sur ce bac. Encore une fois , l'explication rationnelle qui suit l'expression de l'étonnement demeure insatisfaisante . C n'est pas seulement parce qu'elle est blanche qu'elle l'attire mais parce qu'elle est elle :cette évidence dépasse les limites du langage. Et, certes la jeune fille n'a pas les moyens de faire autrement que d'emprunter le bac. Aussi ne lui répond pas vraiment. [...]
[...] Elle ne parle pas : elle attend,comme mystérieusement avertie qu'autre chose est en train de se dire entre eux. Au delà de la parole se tissent les liens amoureux , et, surtout, ceux du désir , un langage des deux corps accordés. Marguerite Duras dramatise la rencontre de la jeune fille qu'elle fut et de l'amant chinois en épurant l'évocation jusqu'à en faire un modèle de l'ellipse narrative. La situation se fonde , par ailleurs, sur la reprise et la transgression de motifs symboliques propres à l'inconscient collectif. [...]
[...] La jeune fille apparaît comme totalement étrangère à toute autre loi que la sienne. Elle le regarde avec franchise, sans coquetterie: elle s'adresse à lui avec la netteté de qui ne s'embarrasse pas des précautions communes. Le roman de Duras emporte avec lui un univers intérieur qui trouve sa cohérence dans son organisation fantasmatique et qui nourrit les individus de la substance intime de l'auteur. L'amant , texte délibérément autobiographique, transforme les individus réels en personnages allégoriques, en incarnation d'une relation sublimée par son intensité même. [...]
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