Commentaire composé du texte proposé au concours d'entrée à l'ENS Lyon LSH 2007 en option Lettres Modernes. Le texte étudié est un extrait de L'Amour absolu de Jarry : "Quand il eut quatre ans, Mme Joseb le conduisit tous les matins, elle-même, à la classe des Minimes du lycée de la ville. (...) Et le souvenir définitif de la classe des Minimes se schématisa en Xavier, les traits oubliés pour la substitution linéamentaire de l'X qui blanchoie , aux portails des enterrements, sous les têtes humaines de tentures : La Mecquerbac, la Zinner, la ... La Mort."
[...] Le texte copie alors le fonctionnement poétique est associe les mots comme des rimes, comme des vers dans une image du retournement continuel. Mais au-delà, l'extrait semble défait de tout fil directeur. Il s'agit de raconter "cette année de classe" mais il n'y a pas d'ordre précis. Le lecteur est mis en face d'une sorte de catalogue d'événements disparates qui constituent l'essentiel de cette expérience. La cohérence du langage elle aussi est moindre. Les expressions sont parfois obscures et la syntaxe est bousculée. Tout participe ainsi à faire du texte lui-même une image du chaos. [...]
[...] Le narrateur est proche de lui, comme à l'intérieur. Le pronom qui apparaît deux fois dans les dix premières lignes du texte sert de relais entre une instance narrative anonyme et abstraite et le personnage lui-même. Le récit est bien un récit rétrospectif au passé mais avec cela d'original qu'il est pris en charge par un narrateur en focalisation interne pour donner une impression de grande proximité. Ainsi, l'expérience nous est présentée telle qu'elle fut vécue au moment même . [...]
[...] C'est ce que semble suggérer le texte qui rapproche "Mme Venelle" de "La mort" par la disposition même des groupes de mots, comme dans une sorte de figure de rhétorique à grande échelle qui éloignerait deux termes de la phrase liés pourtant sémantiquement. Plus concrètement, cette manie est bien qualifiée d'"imitative". La maîtresse est celle qui "s'armait d'un long brin de noisetier". Elle "corrige" selon ses propres mots. En effet, ici, l'italique sert à mettre en évidence le fait que ces mots sortent de la bouche de la femme elle-même. Sa cruauté est aussi montrée dans des expressions comme "tapant à bruit d'os". Mais, le héros est admiratif face à Mme Venelle. [...]
[...] Mais le personnage prend-t-il pour autant le pas sur le narrateur ? Le texte construit-il une individualité autonome exprimant une voix propre qui s'affirme sans le narrateur ? Il semble que non. C'est toujours le narrateur qui absorbe ses paroles et ses pensées et qui les rend dans le texte. De plus, malgré l'abondance des marqueurs de la troisième personne, le héros reste flou. On apprend qu'il s'appelle Emmanuel mais son nom ne prend que peu d'importance. Il est soit un nom indécidable qui arrive au hasard quand l'enfant entre dans la cour, soit il prend place comme une notation accidentelle au sein d'une parenthèse. [...]
[...] L'épicentre du séisme serait "Mme Venelle". En effet, la maîtresse n'est-elle pas elle-même à l'origine d'un certain "capharnaüm" ? La queue du séisme vient achever le texte et le parcours du héros dans un accomplissement de la pulsion violente qui atteint son acmé dans la pulsion de mort. Cet aboutissement est d'ailleurs surprenant car il associe directement la pulsion violente et meurtrière à la classe. L'expérience finale relatée sur le mode singulatif vient en effet apporter "le souvenir définitif de la classe des Minimes". [...]
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