Apollinaire, Alcools, diérèse, poésie, poésie traditionnelle, alexandrin, énonciation, monostiche, métaphore filée, métrique, antithèse, chiasme, personnification, allégorie, poème moderne
De manière paradoxale, ce premier vers, qui est aussi le premier du recueil, commence par le mot « fin » : Apollinaire signale donc dès l'ouverture d'Alcools sa volonté de rupture, « d'en finir » avec un monde révolu et dépassé.
C'est ce que signale la fin du vers, qu'il faut bien lire avec la diérèse « ancien/en », comme une référence à un code de prononciation particulièrement artificiel de la poésie traditionnelle. Il y aurait donc une forme d'ironie de la part d'Apollinaire de revendiquer à la fois son souci de renouveau et de le faire dans un langage encore « archaïsant ».
[...] Vers 3 et 4 - Le rejet du vieux monde C'est la répétition formulée avec des variantes du vers 1. Le poète joue sur la synonymie pour réaffirmer son rejet d'un monde vieillissant : Ainsi, « Tu es las », expression soutenue, devient dans un langage plus familier, plus prosaïque même, « Tu en as assez » - ce qui témoigne du souci d'intégrer ce langage du quotidien à la poésie ; « Ce monde ancien » devient « l'antiquité grecque et romaine », qui fait référence à l'attrait d'Apollinaire pour les vieux mythes, auxquels il semble renoncer ici. [...]
[...] Comment comprendre ce paradoxe ? La réponse se trouve en partie dans les vers 9 et 10, dans lesquels nous percevons un profond malaise du poète : il éprouve visiblement le désir « d'entrer dans une église et de confesser » - son enfance a été apparemment marquée par une éducation religieuse, comme il en fait le récit aux vers 25 à 30. La personnification « toi que les fenêtres observent » suggère qu'il en éprouve malgré tout une certaine mauvaise conscience. [...]
[...] Si le texte ne donne pas de réponse claire, une personnification - presque une allégorie - résume son désarroi : « la honte te retient ». Une explication possible serait de voir dans la religion un sentiment éternel, qui ne s'inscrit pas dans le temps : face à un monde changeant, qu'il appelle de tous ses vœux pourtant, le poète y trouverait une forme de refuge, de repère - mais y renoncerait finalement, trouvant ailleurs le réconfort, et notamment dans la poésie. [...]
[...] Mais le poète prend soin de distinguer justement poésie et prose, même s'il ne renie pas cette dernière. La poésie, assimilée aux affiches, paraît ainsi moins narrative, condensée dans un support où le message écrit, forcément très bref, et l'illustration multicolore frappent directement l'esprit : nous pensons aux essais auxquels se livrera Apollinaire pour faire de ses poèmes des formes imagées, comme les fameux Calligrammes. D'une certaine manière, le vers 2 de « Zone » est une illustration de ce principe : il propose un tableau aux métaphores très denses de la Tour Eiffel et des ponts de Paris. [...]
[...] Pourquoi paradoxal ? Car le Christianisme - apostrophé ici par le pronom « tu » (ce qui renforce l'idée d'une énonciation complexe dans ce poème) et par l'interjection lyrique « ô » - fait pourtant partie de ce monde ancien qui désespère le poète - c'est une religion qui a déjà deux mille ans en 1913, qui est né sous l'Empire romain, durant l'Antiquité, donc . Pourtant, la religion, mot qui encadre le vers est qualifiée dans un effet de parallélisme de « toute neuve » et de « simple » ; elle est comparée aux infrastructures les plus contemporaines d'Apollinaire et les plus en lien avec la technologie moderne, « les hangars de Port-Aviation » ; le chiasme « La religion seule est resté toute neuve » / « Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme » insiste à nouveau sur cette affirmation surprenante, tout comme divers effets de reprise, de répétition, de variation, qui structurent tout le début du poème : « toute neuve / pas antique / le plus moderne » ; « la religion seule / seul ô Christianisme » ; « en Europe / l'Européen » . [...]
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