Lors de la parution d'Alcools en 1913, Paul Léautaud met en avant à la fois son caractère novateur, rompant ainsi avec ce dont on a l'habitude de voir, mais aussi et surtout son aspect indéfinissable et inclassable. Son rythme (et l'on peut se baser sur la définition du théoricien Henri Meschonnic, c'est-à-dire pas seulement le rythme en tant que cadence poétique, mais également en tant qu'organisation du sens dans le discours, c'est-à-dire ce par quoi la poésie fait sens), assimilé à une véritable musicalité, lui permettrait donc de sortir du schéma classique de la poésie en repoussant ses limites formelles. Si ce rythme devient musical ce n'est pas seulement par les thèmes qu'aborde le recueil ni comment il les aborde, mais bien par la manière dont ils seront reçus par le lecteur, devenant ainsi co-créateur de sens. Cette musique tient son aspect étrange par son association de contraires que tout oppose naturellement créant ainsi également sa valeur polysémique.
[...] Sur le même ordre d'idées, certaines images peuvent être créés par le rapprochement de termes qu'une ponctuation habituelle aurait séparés : Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants Si le lecteur est fortement mis à contribution par le biais de l'absence de ponctuation, il l'est également via d'autres aspects de la poésie d'Alcools qui témoignent également d'une véritable polysémie. Chantre en est d'ailleurs un exemple tout à fait remarquable. Apollinaire repousse les limites de la poésie : n'est poème que ce qui est décidé comme l'étant par le poète ? [...]
[...] Comme il le dit lui-même : Je suis pour un art de fantaisie [ ] aussi éloigné que possible de la nature avec laquelle il ne doit avoir rien de commun. Ainsi, Le pont Mirabeau n'est décrit que par ce qu'il évoque au je lyrique : le souvenir de ses amours perdus et plus largement la fuite du temps. Néanmoins l'aspect biographique est aussi à prendre en compte puisque Apollinaire et Marie Laurencin empruntaient ce pont pour aller à la demeure du poète. Nous sommes donc bien dans une recréation du réel, passant par la médiation d'un élément ancré dans le réel (le pont en l'occurrence). [...]
[...] La Loreley). Toujours donc dans cette idée d'étrangeté due aux différentes formes utilisées, le dialogue est également très présent (ou dans un terme devenu apollinarien de poèmes- conversations Néanmoins, et même si des liens clairs peuvent être établis entre la poésie d'Apollinaire et sa propre vie, l'identité du tu n'est jamais révélée Nous ne nous verrons plus sur terre [ souviens- toi que je t'attends et doit être devinée par le lecteur comme étant le je lui-même révélant ainsi la volonté d'Apollinaire de rentrer dans sa propre conscience. [...]
[...] Dès lors, la création serait synonyme de liberté. Le vers libre (c'est à dire sans obligation de rime ni d'accentuation métrique définie) a d'ailleurs une place importante dans le recueil sans être pour autant utilisé de manière systématique Je vous aime/disait-il Le but de son utilisation est de ne pas cloisonner le poème dans des contraintes spécifiques, mais dans faire une sorte de pont qui relierait la prose aux vers, comme s'il souhaitait que les images se libèrent elles-mêmes de leur forme. [...]
[...] Le rythme n'est seulement là pour servir le sens des poèmes, il devient lui- même sens, que l'on pourrait presque assimiler à un nouveau langage. [...]
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