Guillaume Apollinaire est un poète de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Il est considéré comme le chantre des principales avant-gardes artistiques, notamment le cubisme, comme poète et théoricien de l'Esprit nouveau, et précurseur du surréalisme dont il a forgé le nom. Son œuvre littéraire fut très hétéroclite et composée de contes, textes dramatiques, pièces de théâtre et recueils poétiques dont "Alcools" paru au Mercure de France en avril 1913 et composé entre 1898 et 1913.
"Alcools" est un recueil pluriel, polyphonique, qui explore de nombreux aspects de la poésie, allant de l'élégie au vers libre, mélangeant le quotidien aux paysages rhénans dans une poésie qui se veut expérimentale.
Notre extrait « Nuit rhénane » ouvre le cycle dont il situe le cadre et ses connotations autobiographiques. Le Rhin, chanté par les Romantiques allemands et Victor Hugo, est associé à une foule de légendes ayant inspiré de nombreux artistes et écrivains. Le climat de mystère qui l'entoure, renforcé ici par le choix « Nuit rhénane » du moment (la nuit) concourt à faire de ce texte un poème de rêve, voire de surnaturel. Le thème de la femme s'y trouve donc pris dans un réseau de symboles et d'images qu'il convient de cerner.
[...] Il est important de relever le fait que ces trois strophes, quatrains d'alexandrins en rimes croisées, ne laissent en rien présager le dernier vers. Cet envoûtement du narrateur se fait alors symbiose et ivresse poétique La multiplication des couleurs y contribuent : sont présents le jaune de la flamme, des étoiles d'or, du vin (qui en ces régions est un vin blanc de couleur jaune d'or) et des filles blondes, l'argent de la lune, le vert des cheveux des ondines, qui provient du vert des eaux du fleuve reflétant les feuilles des vignes. Le thème de l'ivresse est fortement présent. [...]
[...] Indéniablement c'est la victoire du surnaturel sur le réel. Mais c'est évidemment le dernier vers qui cristallise tous les effets de sens de ce récit. Le verre en se brisant témoigne de la force des incantatrices et de leurs sortilèges. Le récit du batelier traverse l'écran de la fiction pour investir le réel. Le verre est le premier élément de réalité évoqué revient au premier plan dans le dernier vers mais cette réalité vole en éclats. La tournure pronominale s'est brisé renforce le mystère et la structure circulaire du poème, enfermé dans ce verre montrerait impossibilité de sortir du maléfice. [...]
[...] La femme, entre maléfice et pureté La deuxième strophe traduit la réaction du poète face à cette première image de la femme. Elle oppose à ces images de sorcières sous la lune le cri d'effroi du narrateur pour conjurer ces visions maléfiques. Alentour, il appelle à couvrir le chant du batelier avec une danse joyeuse et convoque, en opposition aux fées aux cheveux verts ces femmes- démons des femmes-anges : ces filles blondes ( . ) aux nattes repliées. La longue chevelure déployée était connotée comme un élément de dangereuse séduction ; les nattes blondes relevées et le regard immobile et donc neutre, sont signes de pureté. [...]
[...] La lune est un astre féminin mais froid, associé à l'idée de mort et de maléfices. Les femmes aux cheveux verts comme les eaux du fleuve semblent être les ondines des récits germaniques, qui vivent au fond des eaux où elles attirent les hommes qu'elles gardent prisonniers. D'autres éléments prolongent en la symbolisant l'image de la femme sorcière et fée à la fois et de qui émanent amour et mort. C'est ainsi que le vin trembleur comme une flamme associe trois éléments significatifs : le tremblement lié à un climat émotif et à une certaine frayeur, l'alcool, maître-mot du recueil, et la flamme renvoyant au feu et à toutes ses déclinaisons symboliques. [...]
[...] Chanter et enchanter sont ainsi liés). Nous constatons donc que ces femmes, qu'elles soient fées et sorcières, se font omniprésentes dans le poème. Une présence soulignée aussi par la présence de gestes virulents, vifs (tordre, danser une ronde), par le double mouvement vertical (debout) et circulaire de la ronde et également par les sonorités dentales en t et d qui martèlent le poème (Debout chantez plus haut en dansant une ronde). Une omniprésence et dualité féminine contre laquelle le narrateur semble avoir peu de moyens. [...]
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