"Alcools" est un recueil complexe, fort de sa multiplicité qui en fait sa richesse, explorant la poésie dans toute sa diversité, puisant à la fois dans la tonalité élégiaque traditionnelle que dans la modernité poétique avec le vers libre par exemple, liant la ville aux paysages rhénans dans une prosodie expérimentale et résolument moderne.
Notre poème, intitulé « Mai », est tiré des Rhénanes, inspirées par la liaison de Guillaume Apollinaire avec Annie Playden. L'extrait est composé de 4 strophes, 3 quatrains et un quintil, écrit en alexandrins et sans ponctuation. Son thème est l'évocation sur le mode nostalgique d'une promenade en barque sur le Rhin.
Au sein du poème nous pouvons trouver plusieurs éléments de vie : il en est ainsi de l'allusion au printemps, signalé par la métonymie « mai ». Le champ lexical contribue à donner l'image d'une nature vivante et printanière : saules vergers fleuris pétales, cerisiers, vigne, lierre, rosiers, osiers, roseaux, fleurs. Le champ lexical de la floraison (fleuri, pétales, fleurs) renvoie aussi à l'épanouissement de la nature. Enfin, beaucoup de ces termes sont au pluriel caractéristique d'une nature vive et abondante.
[...] Il est intéressant de resituer notre poème dans l'œuvre très hétéroclite que fut Alcools d'Apollinaire. En effet notre extrait qui entrelace les thèmes du sentiment amoureux et de la fuite du temps nous suggère alors des pistes de lecture susceptibles d'éclaircir le recueil dans son ensemble. Celui-ci peut être considéré comme le grand poème des amours impossibles chantés par un mal-aimé qui n'évoque les joies d'un amour partagé que de manière nostalgique ou douloureuse et ceci par une écriture qui s'inscrit dans la tradition poétique tout en la renouvelant. [...]
[...] La mort est aussi évoquée par le jeu de gradation : vergers fleuris pétales tombés . pétales flétris. Une gradation d'autant plus saisissante que les deux derniers éléments sont à la même place dans le vers. Enfin la perte de la luxuriance du paysage dans dernière strophe participe à cette allusion à la mort : il renvoie à une nature dépouillée (osiers, fleurs nues), l'adjectif vierge a des connotations négatives (s'oppose à la nature féconde), le mot ruines mis en valeur par la diérèse, devient aussi péjoratif. [...]
[...] Le paysage renvoie aussi au corps de la femme aimée, évoqué par métaphore et comparaison : ongles, paupières. Cette présence devient vite obsédante par les procédés tels que la périphrase celle que j'ai tant aimée la césure enjambante qui permet que le mot le plus important sur le plan affectif soit ainsi signalé à l'attention. Quant à l'utilisation du passé composé, il renvoie à un passé récent qui donc a fait pleurer celle que j'ai tant aimée et accentue donc la présence féminine. [...]
[...] La gamme de ces images est tout entière tournée vers l'expression de l'inaccessible ou du révolu. Conclusion Mai est placé sous le signe du temps et du renouveau mais il offre paradoxalement une vision négative et mélancolique du monde et de l'amour. Dans ce poème Apollinaire apparaît alors comme une figure du mal aimé où les sentiments sont révélés par le paysage. L'auteur y renouvelle ainsi le thème traditionnel de l'amour printanier, et du poème lyrique, en montrant la splendeur éphémère d'un printemps devenu automnal associé à la métaphore de l'impossible amour. [...]
[...] La strophe devient dansante et serait aisée à chanter. Ensuite la musique se fait à l'image de la barque sur le fleuve et s'éloigne dans les échos des assonances et des allitérations comme par exemple : - o : joli, rosiers, osiers, roseaux . - r : paré, ruines, lierre, vierge, rosiers, Rhin, bord, roseaux jaseurs, fleurs . - v : vigne vierge, vent, vignes . - Les vers 16 et 17 donnent aussi à entendre le bruit du vent par les sons s v f z Enfin dans la dernière strophe la chanson relève plus du lied romantique que du chant populaire. [...]
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