A l'origine de la fable des ancêtres telle qu'Albert Memmi en esquisse les premières ébauches dans La Statue de sel - fable dont l'ampleur ira grandissant dans le reste des romans - il y a une crise de l'identité et une blessure narcissique auxquelles le jeune héros a tenté de remédier par la création d'un image positive de lui-même, et l'élaboration d'une légende collective qui le sauve, lui et les siens, de l'humiliation.
[...] Le récit dont on attendait qu'il relate et exalte l'épopée judéo-berbère du compagnon de la Kahéna, se contente d'évoquer les mésaventures d'El-Mammi et de souligner avec mélancolie la vanité de toute quête des origines et de toute conquête du pouvoir. Les hommes entraînés dans la tourmente de l'histoire n'ont guère plus de prise sur leur destin que n'en a El –Mammi. Celui-ci venu se recueillir sur la tombe de son ancien ami Bologuine, découvre que ceux qui le vénèrent comme un saint ne sont autres, ironie de l'histoire, que les descendants de ses anciens assassins, qui se sont mis à haïr ses ennemis, c'est-à-dire les Bougiotes, dont en vérité ils étaient issus. [...]
[...] Rousset qu'il a reproduite dans Le Scorpion (P.11). Cet ancêtre, comme le rappelle l'épigraphe placée en tête du Désert est un personnage qui a été évoqué par Imilio dans Le Scorpion en ces termes : première mention sûre faite de notre présence ici se trouve chez l'historien El Milli qui, dans ses Chroniques arabo-berbères, cite parmi les compagnons de la Cahéna, la fameuse reine judéo-berbère, certain El -Mammi.» Il semble en tout cas que l'illusion du réel, et plus exactement l'illusion de l'historicité, soit l'un des principaux effets que ce roman cherche à produire. [...]
[...] De quel prince berbère et de quel peintre italien s'agit-il ? Le narrateur ne le précise guère parce qu'il ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour pouvoir l'affirmer. Pour le moment, il se contente de souligner les problèmes et les contradictions multiples que cette hypothèse pose : Descendrais-je d'une tribu berbère que les Berbères ne me reconnaîtraient pas, car je suis juif et non musulman, citadin et non montagnard; je porterais le nom exact du peintre que les Italiens ne m'accueilleraient pas, car je suis africain et non européen. [...]
[...] Et notre mère! Qui sommes-nous par notre mère? Sarfati signifie, si je ne me trompe, le Français, c'est-à- dire, en fait, l'Occidental . Bien que notre mère soit d'un type berbère assez pur d'ailleurs ( . (p.36). Marcel va même jusqu'à jeter la supicion sur les sources historiques utilisées par son frère: quoi aurait servi toute cette érudition, tant de précisions, de références minutieuses? A moins qu'elles ne soient déjà en partie imginaires ( . [...]
[...] Ibn Khaldoun est, de ce point de vue, un peu son alter ego. Albert Memmi est en effet conscient de la relation d'identification qu'il entretient avec l'auteur de la Muqaddima. Il a déclaré à ce propos : comme je suis né à Tunis et que je suis devenu une espèce d'érudit aussi, professeur, etc., j'ai ressenti de la sympathie pour cet homme, grand érudit et sociologue beaucoup plus sociologue que moi qui a construit sa vie sur la recherche. C'est un peu mon cas. [...]
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