L'Etranger est un roman d'Albert Camus, paru en juillet 1942, bien qu'il fût achevé en mai 1940, le mois de la débâcle militaire. Ce roman appartient au premier cycle d'Albert Camus, le cycle de l'absurde, comportant en tout trois oeuvres, dont Le mythe de Sisyphe, son premier essai philosophique, paru en octobre de la même année, et Caligula, sa première pièce parue en 1938. Ce roman est une narration à la première personne, le narrateur s'appelant Meursault, modeste employé de bureau à Alger, fait le récit de sa vie. Une vie banale et médiocre ou il apparaît comme un personnage décalé, étranger au monde comme à lui-même. Au début du roman il nous apprend avec un étrange détachement la mort de sa mère. Cet évènement est relaté dans l'incipit.
Cette première page révèle donc un homme étranger à la réalité de l'existence. Même dans sa dimension la plus tragique, il est « sans conscience apparente » du deuil qu'il fera, et son attitude est déconcertante pour le lecteur. Le style de l'auteur, son écriture, que Roland Barthes qualifie « d'écriture transparente », de « style de l'absence », détaché de toute réalité, achève de rendre ce récit décalé et déprimant. Tout se passe comme si pour le narrateur, la vie n'avait plus de sens. Une impression de malaise ressort donc de cette lecture. (...)
[...] A se titre, il se raconte lui-même en toute sincérité, s'analyse, afin de mieux se révéler à lui-même, se connaitre. Or ici, rien de tel. Aucune analyse de soi ou révélation à soi-même n'est effectuée. Camus à placé le narrateur dans une position d'extériorité par rapport à lui-même, la narration est donc curieusement développée en focalisation externe, alors que le récit à la première personne suppose logiquement une focalisation interne. Meursault se voit donc avec beaucoup de détachement comme s'il était un autre que lui- même, étranger à ce qu'il le touche. [...]
[...] Le narrateur est sensible à ce mouvement de compassion. Puis Céleste prononce quelques mots On n'a qu'une mère parole convenue, maladroite certes, mais touchante, sincère de Céleste. Cette parole illustre l'impuissance des mots, des gestes de l'homme à consoler. Il ne peut qu'agir avec sympathie, souffrir avec le narrateur, et avoir des gestes de compassion. Cette réaction de compassion collective est partagée de manière fraternelle. Implicitement la compassion est également exprimée par Emmanuel, qui prend la peine de lui prêter ce qu'il lui manque : les accessoires de deuil. [...]
[...] Cette formalité vestimentaire induit des formalités sociales : la présentation des condoléances. Cette attention minutieuse, décalée des formalités et son détachement sentimental, son indifférence par rapport au deuil de sa mère n'est pas une provocation, mais une attitude faisant partie intégrante du personnage. Etrangeté à lui-même, à autrui et au monde. Etrangeté à lui-même. Le choix de l'emploi de la première personne du singulier pour le récit lui confère la forme d'un journal, un journal fictif dont Camus crédite Meursault. [...]
[...] Une impression de malaise ressort donc de cette lecture. [LECTURE] Nous étudierons ce qui fait de cet incipit un récit déconcertant, tant du point de vue de la narration que du narrateur personnage. I Une narration déconcertante. Du point de vue du temps et du lieu. Le temps. Ce texte ne présente pas de véritable rapport au temps, ni pour le narrateur, ni pour le lecteur. Nous retrouvons une narration de l'immédiat, presque contemporaine, des éléments rapportés. Le texte est marqué dans cette notion d'immédiateté dès le premier mot du roman Aujourd'hui qui se situ par rapport à un passé très immédiat également : Hier un futur très limité et immédiat également Demain (l.3) ; Après-demain (l.17). [...]
[...] Le style de cet incipit et de l'Etranger frappe par sa simplicité et son naturel. Camus écrit en somme comme on parle, ou plutôt comme Meursault parle. Cette parole transparente, inaugurée par L'Etranger de Camus, accomplit un style de l'absence qui est presque une absence idéale de style écrit Roland Barthes, qui qualifie l'écriture de Camus d' écriture innocente Son écriture est comme désincarnée : simple, dépouillée, minimale. Les phrases sont courtes et simples, Camus fait l'économie de l'emploi de verbes, en employant notamment des propositions indépendantes, et des phrases lapidaires, expéditives, annonçant des évènements terribles de manière totalement dénuée de tout sentiment, par télégramme j'ai reçu un télégramme de l'asile La syntaxe est très dépouillée, il n'y à pas de subordinations j'ai dit oui, pour n'avoir plus à parler il n'a pas répondu il faisait très chaud Cette syntaxe ouvre et ferme le texte. [...]
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