"Interprétation", terme polysémique, désigne d'une manière générale le processus par lequel l'individu parvient à donner un sens clair à une idée auparavant obscure ou confuse.
Outil fréquent en arts et en lettres (un musicien ou un acteur "interprètent" un morceau ou un rôle, le traducteur "interprète" dans une langue les propos tenus dans une autre, un commentateur "interprète" le texte qu'il explique), l'interprétation embarrasse la science (...)
[...] Il suffit d'examiner en détail le contenu effectif de nos sensations pour constater que nous ne "voyons" jamais "cubique" ni "six". Comment, alors, pouvons-nous passer d'une série d'informations sensuelles lacunaires à une idée claire - "le dé cubique", "six taches" ? Plan du texte Dans une longue première partie, Alain examine à fond l'exemple du dé pour montrer le caractère parcellaire et confus de nos perceptions, et comment notre entendement y supplée. Dans une seconde partie (à partir de "Revenons à ce dé . [...]
[...] Il faut donc, pour que nous voyons des objets et non de simples taches, que nous organisions nos sensations ; que nous les ordonnions. Cette opération se divise elle-même en trois moments qu'Alain distingue au sein d'une même phrase : la succession temporelle de sensations multiples touche successivement . ; la "persistance mémorielle" (un peu comme il existe une "persistance rétinienne") de ces sensations, par laquelle je les "superpose", les "com-pose" (au sens étymologique : poser ensemble), ce qui me permet de les comprendre comme apparences diverses d'une même chose ("réunissant toutes ces apparences en un seul objet . [...]
[...] Alain ne répond pas à ces questions (même si, dans un sens, il soulève le problème lorsqu'il nous "met en garde" à la fin du texte, et même dans la première partie lorsqu'il écrit, un peu lapidairement : "Mais pourtant c'est un cube que je vois" : on se demande bien, à ce stade, comment il le sait Il n'était donc pas légitime de s'interroger sur ce point, comme l'a fait Nicolas (même s'il était souhaitable de mentionner le problème en conclusion). Pourtant, cet élève a eu l'excellente idée de montrer, dans une perspective proche de la pensée de Nietzsche, que si nous "interprétons" de telle manière le réel, c'est tout simplement pour des questions de survie (voir le Gai Savoir, §111 et 112 en particulier) ; brillante remarque qui lui a valu un autocollant. [...]
[...] Il décrit le contenu effectif de nos sensations et le compare avec l'image mentale, la représentation intellectuelle, qui correspond à ces sensations. Entre celui-là et celle-ci, il existe un véritable abîme ; et la comparaison n'est guère flatteuse pour les sensations. Elles s'avèrent très parcellaires et inexactes (à tout instant, je ne vois jamais que trois faces du cube, cette vision est soumise aux jeux de lumière etc.). Si nous nous en tenions là, dans l'immédiateté présente des sensations, nous n'aurions aucune connaissance du monde : nous n'y verrions que des taches de couleur, des arêtes ou des plans, mais jamais des objets (Alain s'oppose au mouvement empiriste, notamment Hume, selon lequel toute notre connaissances dérivent de la seule expérience). [...]
[...] Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l'ordre et la place de chacune, je forme enfin, et non sans peine au commencement, l'idée qu'elles sont six, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un. Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des apparences successives, pour la main et pour l'oeil, me font connaître un cube ? Par où il apparaîtrait que la perception est déjà une fonction d'entendement [ . ] et que l'esprit le plus raisonnable y met de lui-même bien plus qu'il ne croit. [ . ] Et nous voilà déjà mis en garde [ . (Alain) 1. [...]
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