Il s'agit d'un projet singulier : c'est une autobiographie de milieu de vie (alors que l'autobiographie est en général un projet de fin de vie : les Confessions de Rousseau, Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand,…). Il s'agit de regarder les années de sa vie en accordant une attention particulière aux premières années selon l'idée que « l'enfant est le père de l'homme ». Chez Rousseau, il y a un désir de confession et d'être absout, chez Chateaubriand, une volonté de raconter son siècle et chez Sartre, une volonté de raconter la naissance de sa personnalité en montrant l'importance des mots. Les désirs d'explication et la dimension didactique de l'autobiographie sont clairs chez ces auteurs. Le projet de Leiris est différent : il débute au milieu de sa vie (34 ans).
[...] Mais le nom commun radieuse désigne aussi quelque chose doté de rayonnant. On a donc un effet de double antonomase, (radieuse ( marque Radieuse ( nom commun la Radieuse) ce qui a pour effet de renforcer la dimension allégorique du poêle, puisque l'antonomase incarne une vertu dans une figure, selon les spécialistes stylistiques. Ici, il s'agit du rayonnement, de la chaleur. Le poêle est personnifié, puisque non seulement c'est un objet qui a des éléments de chaleur renvoyant à la mère, mais en plus y figure une effigie du genre république, ce qui fait de la Radieuse une sorte de génie féminin, de mère patrie, de Marianne veillant sur les destinées de ses citoyens. [...]
[...] Le feu est fortement sexualisé au masculin chez Leiris. Autre rubrique dans L'âge d'homme qui associe le feu et le masculin : Sexe enflammé Ce que révèle l'accident, c'est la caractère métamorphique de la Radieuse qui, de figure féminine rassurante, se révèle soudainement métamorphosée par l'action du fils trop curieux du fonctionnement du féminin, qui se révèle monstre féminin et masculin. L'analogie avec le volcan : par et dans cet accident, Leiris apprend quelque chose sur le monde. Vertu herméneutique : l'accident acquiert les caractéristiques d'une expérience. [...]
[...] L'allégorie comme figure appartient d'ailleurs au style noble, à la poésie. Ces allégories permettent de mettre à nu certaines figures psychiques fondamentales du personnage. Si le but de l'autobiographie est de délivrer Leiris de ses obsessions, le but est partiellement atteint. Elle lui permet de découvrir la scène gauche du théâtre et de cartographier son inconscient. D'un autre côté, la recherche constante de l'extraordinaire dans le bien ou dans le pire fait que effectivement, l'allégorie est probablement partiellement mensongère. L'allégorie permet de poser véritablement la question essentielle à la lecture de toute autobiographie : est-ce de la vérité ou est-ce du mensonge ? [...]
[...] Il y a chez Lucrèce comme motif central le viol et chez Judith le crime. Lucrèce se suicide, Holopherne est tué par Judith. Lucrèce est donc à la fois une héroïne de la passivité (viol subit) et du suicide tandis que Judith est une héroïne de l'activité (séduction d'Holopherne) et de l'agression. On a donc chez Lucrèce une composante masochiste du personnage et chez Judith une composante sadique. Leiris éprouve autant de plaisir fasciné à l'une qu'à l'autre en même temps qu'autant de répulsion qui lui font craindre sans arrêt de devenir Holopherne. [...]
[...] Judith et Lucrèce sont des figures qui cachent et peuvent dévoiler un ou plusieurs sens. Toutes les figurations de Judith et Lucrèce ne vont pas forcément s'allégoriser comme pour Leiris : c'est une allégorie pour lui, qu'il doit expliquer au lecteur. Chez Leiris, l'allégorie a deux fonctions : elle permet que s'opère un dédoublement, et elle permet que s'opère une transfiguration, parfois au prix d'un mensonge. A Un dédoublement L'allégorie est vraiment la figure de référence chez Leiris : il se représente le monde comme un théâtre. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture