Samuel Beckett, Oh ! les beaux jours, Fin de Partie

Résumé du document

Lire Beckett, que ce soit ses pièces Oh ! les beaux jours ou Fin de Partie, c'est aussi s'interroger sur sa théâtralité. Beckett n'est pas seulement homme de théâtre : il est homme de lettres complet. Mais c'est dans sa dramaturgie que le concept de personnage prend toute sa valeur. Tout cela rentre dans une compréhension du « théâtre » ou de la « théâtralité » de Beckett.
La citation lie théâtre et représentation, à travers des termes comme « exhibition » et « saisie », et une représentation singulière, méthodique et « ascétique ».
En outre, cette théâtralité est synonyme de simplicité : deux personnages suffisent à créer le théâtre, sous forme de couples, poussés vers le néant ou rongés par l'habitude.
Ce théâtre est beaucoup plus un théâtre de la parole qu'un théâtre de l'action : parole et langage font l'intrigue – si intrigue il y a, et poussent la dramaturgie dans ses derniers retranchements, jusqu'à la perdre.

Extraits

[...] Cela rapproche bien Beckett du théâtre de l'Absurde. Les répliques font rire, mais d'un rire grinçant. Une parole singulière peut s'exprimer à travers l'impératif qui marque bien le rapport je/tu, mais avec une hiérarchie. Hamm commande à Clov et tente d'échapper à la vacuité qui le gagne en recourrant aux formes les plus représentatives de la communication. Leur monde se trouve menacé. Une autre parole, c'est peut-être le silence (qui n'est pas, précisons-le, une non parole). Le silence peut être néanmoins considéré comme une suspension de la vie, qui place dans l'attente que la machine se [re]mette en route Ludovic Janvier a dit : Le silence est dans la chambre d'écho, ce qui redonne à la parole la parole elle-même Parfois, les personnages parlent seulement pour faire du bruit (peur de signifier quelque chose pour Winnie), d'où contradiction du dialogue et donc illusion d'un dialogue authentique en même temps qu'une parole déroutante, fuyante. [...]

[...] Samuel Beckett, Oh ! les beaux jours, Fin de Partie Sujet : Il n'y a théâtre qu'autant qu'il y a dialogue, discord et discussion entre deux personnages, et la méthode ascétique de Beckett restreint la théâtralité aux effets possibles du Deux. L'exhibition des ressources illimitées d'un couple, même quand il est vieilli, monotone, presque haineux, la saisie verbale de toutes les conséquences de la dualité : telles sont les opérations théâtrales de Beckett Quelle est, selon vous, la pertinence de cette affirmation, au regard de ces deux pièces de Beckett ? [...]

[...] Hamm est frappé d'amnésie, ce qui rend sa parole défaillante. Fin de Partie peint un univers malade en phase finale, une agonie tragique en direct. Hamm et Clov, Winnie et Willie, Nagg et Nell, voilà les trois couples auquels nous avons affaire dans les deux pièces de Beckette, Oh ! les beaux jours et Fin de Partie. Le premier est un couple social (maître - esclave) et les deux autres des couples conjugaux. Toujours est-il qu'ils font unité et participent de la théâtralité des pièces de Beckett. [...]

[...] C'est donc un rapport, une relation de personnes entre elles, dans une situation donnée. La nécessité pour les personnages de Beckett afin de ne pas se perdre, c'est de rendre toujours et encore le dialogue possible. La communication est le désir de savoir quelque chose par quelqu'un Dans Fin de partie, les nombreuses interrogations de Hamm à Clov témoignent de cette volonté de faire survivre la communication : parler encore Le dialogue peut être hybride, presque gratuit : Nagg : Tu me vois Nell : Et toi ? [...]

[...] Y a-t-il des limites aux ressources du couple et de la parole ? L'ascèse mène-t-elle au néant ? Il semble que le langage, par sa nature, contienne, chez Beckett, sa propre fin. Les personnages sont dépossédés à l'extrême, réduits à l'extrême, réduits à l'essentiel (par choix dramaturgique). Dans Fin de Partie, la forme de l'interrogation est ce qui monte le mieux les limites du langage (qui empêchent le dialogue de s'accomplir). La plupart de ces interrogations (de Hamm) n'induisent que des réponses en forme de oui ou de non. [...]