Hölderlin, présentation tragique, tragische Darstellung, remarques sur Antigone, remarques d'Oedipe, paroles, Dieu, homme, mort, conscience, Grèce, tragédie, tragédies sophocléennes, activités poétiques, conséquences poétologiques, hostiles, comparatistes, Polynice, destin, hespérique, rapport existentiel, modernité
Les Remarques sur Antigone (RSA) sont parues, avec celles sur Œdipe (RSO), en 1804 ; elles visent aussi bien à éclairer le principe mis à l'œuvre par Hölderlin dans sa traduction des tragédies sophocléennes correspondantes, qu'à théoriser ce sur quoi repose les fondements de la tragische Darstellung – et c'est ce second point, en particulier, qui est en question dans notre extrait. Plus précisément, il s'agira d'exposer les fondements de ladite présentation, mais aussi d'en déployer les présupposés ou conséquences : quant à la présentation tragique elle-même, puis à partir d'un horizon plus proprement historial et comparatiste. Alors seront relevées les différences tendancielles entre Grecs et modernes, aussi bien que les implications qui en résultent pour la poétique de « notre temps ».
[...] Le poète retrouve ici une thèse de Heinse - qui prônait un retour « à nos véritables motifs », et non à ceux des Grecs (Hölderlin, Pléiade, p.1194), et est bien loin déjà du personnage éponyme d'Hypérion, littéralement fasciné par les Grecs ; une telle injonction, que l'on retrouve aussi dans les lettres à Böhlendorff, est en outre en radicale opposition avec le précepte winckelmannien d'imitation des Grecs. Est donc ici en question le « vaterländische Umkehr », qui implique, für uns, i.e. pour les poètes modernes, de ne pas s'inféoder aux Grecs, de faire de « notre propre vision du monde » la matière de nos Vorstellungen ou le matériau poétique par excellence. - Or, cela suppose bien que « les représentations grecques diffèrent des nôtres », ce qui doit être explicité. [...]
[...] Or, ce qui « nous » définit, c'est que nous « nous tenons sous le Zeus le plus authentique » (wir unter dem eigentlicheren Zevs stehen) - i.e. sous le Dieu chrétien, lequel « se tient dans le retrait de cette terre et du monde sauvage des morts » (der . zwischen dieser Erde und der wilden Welt der Todten innehält), en tant que Deus absconditus. La terre s'oppose évidemment au Ciel, selon une topographie théo-logique traditionnelle ; le « monde sauvage des morts » est, lui, plus difficile à saisir. La sauvagerie renvoie d'abord à la lutte, au combat : « Der kühnste Moment . [...]
[...] ; puis il en tirera des conséquences quant à la structure dialogique et chorale de la tragédie, ainsi que sur la façon dont y opère la parole, par opposition à celle de notre temps (l. 7-13) ; dès lors, les considérations historiques et comparatistes seront menées plus avant, et auront pour objet - pour le dire encore schématiquement - deux façons d'être-au-monde (l. 14-18), des considérations plus strictement poétologiques (l. 18-20) et, enfin, des considérations relatives aux tendances principales et aux faiblesses propres des Grecs et des modernes (l. [...]
[...] tournés vers la terre par opposition au Ciel, selon une opposition déjà relevée. - Tout se passe comme si, là où le grec succombait à son destin sacré, et cherchait à y échapper en se maîtrisant, l'hespérique, lui, succombait en un temps de détresse à son absence de destin, de rapport existentiel au divin, et cherchait à y échapper en tentant de rencontrer un etwas divin, et en l'attendant. Il peut paraître étrange, de ce point de vue, que le malheur incombe selon Hölderlin au non-grec ; mais il faut se remémorer la sobre détermination d'Antigone, ou le calme d'Empédocle ayant résolu de se fondre en l'Etna. [...]
[...] C'est encore ici ce qui est indiqué : le surcroît de présence, l'enthousiasme infini, se résout en une séparation « sainte », en une polarisation infinie inverse, en tant qu'elle concentre ou recueille en elle la séparation la plus profonde de l'homme et du dieu - comme si l'homme ne pouvait survivre à l'effraction intime du dieu furieux, devait nécessairement en sortir ravagé en sa conscience même (au moins en sa conscience) ; et tel est le cas, si cette con-frontation est allée jusqu'à l'intime unité. Nous avons donc choisi le terme de polarisation, pour rendre le « sich faßt » ; il nous a semblé être plus fort qu'une simple « concentration », pour rendre la thèse selon laquelle dans la séparation, l'unité dieu-homme est tout entière tendue vers les oppositions qui désormais, i.e. après la séparation, la structurent. [...]
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