Les scènes de l'ennui amoureux dans "Belle du Seigneur" se dévoilent après une période limitée de l'amour heureux. Les deux amants vont vivre deux années animées par un ennui redouté, créé et accompagné d'un cadre coloré. Albert Cohen nous fait découvrir l'antre d'un ennui ravageur, révélé « mortifère » qui possède une passion découverte et enviée.
On parle d'un ennui ou d'une impression de vide mis en différentes scènes par une parole polyphonique qui touche un récepteur et lui offre une réflexion sur une "œuvre vivante". On pourra diriger notre étude sur une évolution de l'ennui amoureux mise en lumière par l'écriture cohénienne. Autrement dit, comment à travers le texte, l'ennui amoureux est-il mis en scène dans "Belle du Seigneur" ?
L'amour-passion est insatiable de beauté, il dérange le paisible et s'impose en un jeu de dualité limitée par l'épreuve du temps. Ce temps lève le voile porté par les amants et les confronte à une intimité nouvelle. Ariane et Solal se sont montrés sous leurs plus beaux atouts, "en leurs robes d'amoureuse prêtrise", afin de ressentir encore "la merveille de se contempler".
Ils parviennent à entretenir une mystérieuse beauté, mais ne peuvent s'empêcher "de connaître tout de l'autre". C'est ce dont nous fait part le récit, d'un narrateur qui prend ses distances, lorsqu'on retrouve nos deux amants à l'hôtel Royal.
[...] Elle n'aurait pas une soirée morne, aurait[ . ]pu avoir une si bonne soirée ensemble s'il n'avait pas été méchant. Un moyen qui nous est présenté au conditionnel car Solal n'a pas le courage d'agir au moment où il parle, mais on découvre un peu plus loin que cette mise en scène a déjà eu lieu l'autre soir et qu'il avait eu le courage de lui donner une forte gifle La jalousie s'installe chez un amant qui vit le déclin de la passion et ne peut supporter que le désir de sa belle ne s'oriente pas vers lui. [...]
[...] La malheureuse qui essayait de mettre de l'animation avec ce lamentable thé, couvre-défaite annoncé deux heures à l'avance comme un but. Qu'était devenue Isolde? Le narrateur nous rapproche des personnages ; Ariane parle dans un discours direct qui introduit un discours indirect libre où Solal n'est pas aussi optimiste qu'elle. Sa belle tente vainement de donner un sens à leur vie en vase clos mais les moyens utilisés ne touchent qu'en surface la source ennuyeuse des amants. Aussi pour combattre plus efficacement l'ennui ou mieux conserver un climat de passion le couple va devoir trouver des procédés plus efficaces. [...]
[...] Le monde extérieur semble être un obstacle pour les amants qui ne parviennent plus à se satisfaire. Ils se perdent dans une monotonie qui les tourmente, mais ils continuent à garder un espoir destructeur et entrent dans un rude combat, une quête de solutions qui pourraient les sauver d'un ennui tragique. Des solutions salvatrices La prise de 'décisions' et les 'actes' entrepris vont permettre de résoudre un problème conséquent ; la perte d'une Envie, étincelle de l'amour-passion. Cette tentative de résolution va être engagée par des moyens et procédés plus ou moins violents. [...]
[...] Il se rend malade pour être heureux et Ariane se rend coupable ; cette simulation qu'il a déjà mise en scène avec Isolde offre aux amants deux ou trois bonnes journées devant eux Ariane est animée, vivante Le narrateur laisse Solal annoncer sa crise hépatique dans un discours direct (p.913), il n'assume pas le mensonge de son personnage. D'autre part Solal a recours aux méchancetés forcées pour mettre en scène une pièce amoureuse riche en rebondissements, péripéties, réconciliations Ces méchancetés poussent parfois à la violence physique ; le discours indirect libre aide Solal à nous dévoiler le triste projet qui pourrait occuper un couple essoufflé (p.935) : La gifler tout à coup, sans explications, et puis aller s'enfermer dans sa chambre ? Ce serait une bonne action. [...]
[...] On retrouve également une forme de discours qui oscille entre l'indirect libre et le direct libre au chapitre 87 (p.836), qui expose la crainte de Solal, de n'être qu'un amant et de ne plus avoir de sujets de conversations intéressants, par les subjectivèmes (l'interjection oh points d'exclamation, d'interrogation), le temps au passé, emploi du pronom on qui implique le personnage et efface la parole du narrateur : «Mais que lui dire tout à l'heure lorsqu'elle rappliquerait noblement, aimante et parfumée, si pleine de bonne volonté . ]Mais non, il avait été engagé pour de la passion. Ariane craint aussi l'arrivée de la monotonie d'après un narrateur qui se rapproche de son intériorité dans un récit ambigu qui tend vers du psycho- récit au chapitre 92 (p.924): ( . )trop loyale pour voir la vérité, et la vérité était qu'ils s'embêtaient ensemble, que leur amour faisait eau, et qu'elle en était malade. [...]
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