Ce travail présente une analyse métalexicographique du Dictionnaire liégeois-français d'Henri Forir. Injustement délaissé, cet ouvrage offre de riches témoignages du passé de la vie liégeoise, particulièrement sur certains métiers dont les pratiques sont détaillées, fixées par des mots de la langue.
L'insécurité linguistique, concept aujourd'hui bien connu et communément admis, porte sur la dévalorisation de pratiques langagières. N'est-ce pas précisément ce que fait Forir, lorsqu'il parle de « faute ridicule », « mauvaise locution », « rien de plus insipide », « solécisme », commis par « le commun du peuple » ? D'autre part, ne peut-on lui reprocher, à l'endroit du français, une sorte d'hypercorrectisme, lui qui admire tellement le nom des nombres français ? « Rien que l'emploi des mots soixante-dix et quatre-vingt-dix au lieu de septante et nonante, m'a valu plus d'un fois l'épithète de fransquillon ; et mes épilogueurs ne font pas attention que si cette anomalie, qui provient d'une ancienne coutume de compter par vingtaines, s'est conservée invariablement en France, c'est qu'elle a la vertu d'interrompre la monotonie de la désinence qui affecte chaque groupe de dix unités, et qu'ainsi elle contribue à l'élégance du langage, laquelle consiste bien moins dans la régularité que dans la variété des expressions. » (H. Forir, Tome I : VIII).
C'est donc un personnage paradoxal, créateur d'un ouvrage paradoxal. Auteur ancré dans son temps, amoureux du wallon, admirateur du français « normé », il veut faire de ses compatriotes de parfaits bilingues : le wallon d'un côté, le français correct de l'autre, étant entendu que l'on passe de l'un à l'autre, en évoluant, mais pas de l'autre à l'un. A l'image de son dictionnaire.
[...] Arrivé à une position honorable, mais très occupée, il trouva cependant le temps d'écrire sur la science qu'il professait, et, de plus, il trouva des loisirs [ ] Ces loisirs, il les embellit par la culture des muses wallonnes, sans prétention aucune, pour lui-même et pour ses amis. Il fut [ ] un de régénérateurs de notre poésie populaire, un des conservateurs de notre vieux langage ; plus tard, il fut un des fondateurs et le premier président de la Société liégeoise de la littérature wallonne.[8][8] 2. Le Dictionnaire liégeois-français Dès 1820, Forir entreprend la collecte d'informations pour former son dictionnaire. Le premier tome, de 440 pages, est publié en 1866 par L. Severyns et A. [...]
[...] Distinte [ ] On dit en français : j'éteindrai, et non pas j'éteignerai. On forme de même les futurs des verbes : craindre, feindre, plaindre, contraindre, etc. (FORIR, Tome I : 208). - Informations phonétiques Dèja [ ] Vous voilà d'jà, - la r'ponse, - le r'cit, - l'gume : fautes très répandues de prononciations, l'élision de l'é fermé n'étant jamais tolérée. (FORIR, Tome I : 208). - Informations syntaxiques Ajecktif [ ] On peut dire qu'en général les Wallons placent l'adjectif avant le substantif ; exemple : neûr pan, bai jârdin, hôtt mohonn, rog jott. [...]
[...] Kostîr [ ] La vanité bourgeoise veut répudier le mot couturière, qu'elle remplace par tailleuse pour dames. (FORIR, Tome II : 174). - Informations fréquentielles/diachroniques Gârsî [ ] Ce mot et les deux suivants sont très anciens, et ne sont plus guère usités que dans certaines localités éloignées de la ville. (FORIR, Tome I : 412). - Indications évaluatives Oùle [ ] Les beaux parleurs croient se distinguer en prononçant aujord'hui. (FORIR, Tome II : 356). - Prescriptions orthographiques Davantech [ ] Dans ce sens, ayez soin de toujours écrire davantage sans apostrophe. [...]
[...] Affluer, survenir en grand nombre. Noss Roïe va vni, lè-z-ètringîr raflouwron ko a Lîch : notre Roi va venir, les étrangers afflueront encore à Liège. Rallemin è Ralèlemin, s. ralliement, action de rallier ; rapprochement, réunion de troupes dispersées. On mo, on senn di raleimin : un mot, un signe de ralliement. Li raliemin dè rèjumin si fa podrî l'viech : le ralliement du régiment eut lieu derrière le village. Raskûr, v. (Ji raskû, no raskûhan, ji raskûret). Ratteindre, rattraper celui qu'on suit, le rejoindre. [...]
[...] [ ] La majorité des Liégeois comprennent mal la valeur de l'h aspiré : leur prononciation dure et presque sauvage de cette lettre ne peut être figurée par aucun symbole connu : il suffit de dire que, chez les Français, cette aspiration se réduit à un hiatus. (FORIR, Tome II : 1). e. Pragmatique Atouwé [ ] En français, on ne tutoie pas au pluriel, mais les Wallons disent : Té-z-ôtt. Wiss Vass don, té-z-ôtt ? KI faiss don, té-zôtt ? Louk a té-z-ôtt : Où allez-vous donc vous autres ? que faites-vous donc, vous autres ? prenez garde à vous autres. (FORIR, Tome I : 78). Ie [ ] Abstenez-vous de l'exclamation ie ! quand vous parlez français. [...]
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